100% électricité renouvelable, est-ce le but ?

Sur l’excellent blog « du développement durable », je vois cette semaine mention d’une étude du Fraunhofer IWES qui montre qu’une électricité 100% renouvelables est possible. Et l’ami Dominique Bidou d’applaudir: « Cette hypothèse demande bien sûr des équipements complémentaires (géothermie, unités de stockage, réseaux), mais tout à fait envisageables dans les années à venir. » Il ajoute aussitôt, avec justesse: « Remarquons qu’il ne s’agit que de l’électricité, et qu’il y a bien d’autres formes d’énergie à fournir, notamment pour le chauffage et les transports. »

Justement, poussons le raisonnement un peu plus loin. Arriver à 100% de renouvelables dans l’électricité, c’est… facile pour ceux qui ont beaucoup d’hydraulique. Eh oui, on l’oublie trop souvent, mais l’Albanie, la République démocratique du Congo, le Mozambique, le Népal, le Paraguay, le Tadjikistan et la Zambie ont déjà une électricité 100% renouvelables, l’Islande (avec l’aide de la géothermie) et la Norvège n’en sont pas loin, non plus que le Brésil, l’Ethiopie, la Géorgie, le Kirghizstan, la Namibie…

Mais quand on n’a pas ou peu d’hydroélectricité, 100% renouvelables c’est une autre paire de manches. En combinant, selon les cas, beaucoup de solaire, ou pas mal d’éolien, un peu de bioélectricité, de géothermie, voire d’énergies marines, on peut s’en approcher. Avec la gestion de la demande, les interconnections, un minimum d’hydraulique, du stockage dans des stations de pompage et demain des batteries, on peut gérer la variabilité sur un rythme quotidien. Reste la semaine ou la quinzaine sans vent ni soleil – et non, je ne crois pas que nous ayons rapidement des possibilités économiques d’affronter ce type de situation avec des énergies renouvelables variables et du stockage. Techniquement, on peut toujours tout faire, bien sûr. Transformer des excédents temporaires d’électricité en hydrogène, l’hydrogène en méthane, et le méthane à nouveau en électricité quand on en a besoin, le fameux « power to gas ». Certes, mais à quel coût? Comment rentabilisera-t-on des électrolyseurs fonctionnant 5% ou 10% du temps, des stockages utilisés une fois l’an? Dans le scénario « hi-Ren » de la publication AIE Energy Technology Perspectives, on a 80% de l’électricité mondiale d’origine renouvelable en 2050 – et si cela suppose des investissements massifs ceux-ci rapportent non moins massivement, donc ce scénario n’est pas plus cher que celui du laissez-faire. C’est le passage de 80 à 100% qui pourrait être vraiment coûteux. Et au fond, inutile. Pour réduire davantage les émissions de CO2, il y a d’autres options moins chères.

C’est bien ce que me suggère la remarque de Dominique: « Il y a bien d’autres formes d’énergie à fournir ». L’électricité, c’est 20% de la demande finale d’énergie, 40% de l’énergie primaire et des émissions de CO2. On commence par là, parce qu’il est plus facile de décarboniser… presque entièrement, l’électricité, que le reste. Mais faut-il rechercher le 100% renouvelables dans l’électricité à n’importe quel prix? Evidemment non – il y a beaucoup d’options moins chères pour réduire les émissions associés à l’utilisation directe des fossiles dans les transports, le bâtiment et l’industrie. Et notamment, au-delà des économies d’énergie, bien évidemment à utiliser en premier lieu, en sus de la chaleur renouvelable (chaleur solaire, bioénergie), il y a… la substitution d’une électricité peu carbonée aux combustibles fossiles dans ces secteurs. Les véhicules électriques (ou hybrides pluggables) dans les transports, les pompes à chaleur dans les bâtiments… et une foultitude de technologies dans l’industrie, dont le recensement reste à faire.

100% renouvelables dans l’électricité, si les combustibles fossiles restent massivement utilisés dans les secteurs finals de consommation, à quoi bon?

2 réflexions sur « 100% électricité renouvelable, est-ce le but ? »

  1. OT

    Quel est l’objectif fondamental du développement des énergies renouveblables ?
    Ne plus dépendre des multinationales du pétrole, du charbon du gaz et de l’uranium. Ne plus dépendre de l’Arabie Saoudite, du Qatar, de l’Iran, de la Lybie, de la Russie ou du Vénézuela. Ne plus dépendre de combustibles aux stocks non infinis et aux prix fluctuants qui menacent ainsi la possibilité d’une prospérité durable. Passer à une production éolico-solaire décentralisée et à coût marginal proche de zéro.
    Avec comme corrélat une baisse des émissions de CO2.

    Répondre

Répondre à Durandana Boutot Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *