Archives de catégorie : Renouvelables

Les éoliennes, nouvelles cash machines de l’Etat

Vous le savez sans doute, les éoliennes ont longtemps été subventionnées. Que ce soit par « guichet ouvert » ou par « appels d’offres » compétitif, l’Etat, par le truchement d’EDF ou des entreprises locales de distribution ont garanti l’achat de tous les kilowattheures éoliens (et solaires) pour des durées de quinze ou vingt ans. A un tarif suffisant pour permettre une « rémunération raisonnable » des exploitants, compte tenu du risque de ces investissements.

En pratique, suivant une réforme européenne des aides d’Etat de 2014, c’est le mécanisme du « complément de rémunération » qui est en jeu. Les exploitants mettent d’abord leur électricité sur le marché, puis l’Etat complète jusqu’au tarif convenu par contrat – pour l’éolien terrestre, ce tarif était descendu sous les 6 centimes du kWh, puis il est légèrement remonté dans les derniers appels d’offre, du fait de la hausse des matières premières et du coût du crédit.

Note: la satisfaction de l’auteur sur cette éolienne du Pays de Retz, nettement visible sur la photo, n’a rien à voir avec la perspective d’économiser quelques milliards d’euros sur ses impôts, enfin c’est ce qu’il prétend.

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Dans la transition, l’extraction minière diminue!

Oui voilà qui va surprendre les fans de Pitron ou Jancovici, et même beaucoup d’autres, par exemple les lecteurs de l’étude l’AIE que je mentionne ici. Car jusqu’ici, on a rarement rapproché les quantités de roches à extraire du sous-sol pour obtenir les minéraux dont nous avons besoin pour la transition énergétique (et bien d’autres choses), des quantités de combustibles minéraux solides dont on peut économiser l’extraction grâce au développement des renouvelables. Les chercheurs de l’institut japonais des études environnementales (NIES) viennent de le faire, et à ma connaissance c’est une première. Du coup, vous n’avez jamais vu un tel graphe – sauf bien sûr si vous étiez le 7 octobre à l’Unesco, au Colloque du Syndicat des Energies Renouvelables.

Takuma Watari et ses collègues des universités de Tokyo et Sidney ont étudié les besoins en métaux des renouvelables et des véhicules électriques sur la base du scénario Beyond 2° de l’AIE (Energy Technology Perspectives 2017), évalué l’ensemble des extractions nécessaires (incluant donc tous les déchets miniers), et rapporté cela à la baisse des extractions de charbon (et très accessoirement de gaz et de pétrole). Pour cela, ils se sont basés sur le scénario développement durable de l’AIE. Ils ont présenté leurs résultats séparément, on voit ainsi que pour les véhicules les quantités augmententd, mais pour la production électrique elles diminuent fortement. Les échelles étant différentes, j’ai simplement repris leurs chiffres et construit un graphe unique avec les deux domaines – véhicules et production électriques – et les deux types de extraction minières – les extractions de combustibles, et les extractions visant à obtenir des métaux. On voit mieux ainsi qu’au fil de la transition énergétique les besoins de l’extraction minière diminue – si l’on veut bien tenir compte du charbon.

Ce serait bien de garder ça à l’esprit quand on vous dit que les renouvelables, les voitures électriques, le numérique, c’est horrible, il faut fouiller la terre pour extraire des matériaux, dépenser de l’énergie, etc.: toujours regarder ce qu’on vise à remplacer – le charbon notamment, le pétrole, une part importante des voyages d’affaires (pour le numérique), etc. Après, on compare ici les tonnages, on ne compare pas tous les effets sur l’environnement, l’eau, les sols… Mais sur la pollution de l’air et le changement climatique en tout cas, c’est sûr qu’il n’y a pas photo!

L’AIE tourne le dos aux énergies fossiles

« Ce rapport est l’une des entreprises les plus importantes et difficiles dans l’histoire de l’Agence Internationale de l’Energie », affirme Fatih Birol, le Directeur exécutif de l’AIE dans son avant-propos au rapport « Net Zero Emissions by 2050 »[1] publié ce 18 mai. Et de fait, il marque un changement sans retour dans la politique de l’AIE, longtemps accusée par les environnementalistes de ménager la chèvre et le chou, prétendant lutter contre le changement climatique mais ne cessant d’alerter sur le risque de sous-investissement dans le pétrole et le gaz.

L’AIE prône en même temps la fin immédiate du développement des centrales à charbon sans capture du CO2, la fin des ventes de chaudières au fioul ou au gaz dès 2025, l’arrêt des centrales à charbon sans capture dans les pays développés en 2030, la fin du moteur thermique en 2035 (voir « Key milestones » ci-dessus). Les fossiles dans leur ensemble, qui fournissent aujourd’hui les 4/5 de l’énergie, n’en fourniront plus que 1/5 en 2050, soient pour produire des marchandises dans lesquelles le carbone reste inclus, soit pour des combustions avec capture du CO2, soit pour quelques usages où la décarbonation sera plus difficile et plus lente.

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La transition énergétique va-t-elle manquer de métaux?

Les objets de la transition énergétique, de la voiture électrique à l’éolienne et au photovoltaïque, sont gourmands en métaux. Au point que beaucoup s’inquiètent – ou font mine de s’inquiéter – de savoir si cette gourmandise ne peut pas faire échouer la transition énergétique, ou faire sombrer les pays occidentaux dans une nouvelle dépendance géostratégique vis-à-vis de pays producteurs, de la Chine au Congo, voire en réduire à néant l’intérêt du fait des dépenses énergétiques et problèmes environnementaux associés.

L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) vient de publier sa première analyse approfondie du sujet, dans un rapport de 287 pages, « the role of critical minerals in energy transitions » (le rôle des minéraux critiques dans les transitions énergétiques). Ses conclusions ? Il y a aura bien une demande accrue de minéraux, notamment le lithium, le cobalt, le nickel, le cuivre et les terres rares, mais si on s’y prend à temps elle ne devrait pas handicaper à l’excès la transition énergétique, dont la nécessité n’est pas remise en cause. Et une nouvelle dépendance n’est pas le plus probable.

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Eolien et solaire dispatchables en Afrique du Sud

Le ministère sud-africain de l’énergie vient de publier la liste des projets ayant remporté l’appel d’offres lancé l’été dernier, intitulé « Réduction du risque » » (Risk Mitigation) dans le cadre de son programme pour les producteurs d’électricité indépendants. Cet appel visait la création de capacités « de pointe » de 50 à 450 mégawatts (MW), pour un total de 2000 MW, en mettant aux enchères des contrats d’achats d’électricité sur 20 ans par la compagnie publique Eskom.

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Des cargos écolos grâce à l’ammoniac vert

 

Si les batteries peuvent parfaitement convenir pour des ferrys plus verts, on l’a vu, le poids et le coût des batteries ne permettent pas d’imaginer franchir les océans et mers du globe, ce qui est le pain quotidien des gros cargos caractéristiques du transport international – tankers, vraquiers et porte-conteneurs. Or ceux-ci sont responsables de 90% des émissions de CO2 du transport maritime. Comment réduire ces émissions à presque rien ?

(Ci-dessus: rare photo d’un cargo toujours vert barrant la route au pétrole… 😉 )

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A trop demander à l’hydrogène, on ne rend pas forcément service à la transition énergétique

Avec l’aimable autorisation de la rédaction du Monde, je reproduis ici le texte de ma tribune publiée sur son site le 30 Octobre et dans l’édition papier datée du 2 Novembre, dans un ensemble intitulé « Une bouffée d’hydrogène pour l’économie ». J’en profite pour remercier vivement Antoine Reverchon pour ses remarques critiques et constructives.

Pour décarboner l’économie mondiale, le recours à l’hydrogène apparaît aujourd’hui incontournable. Les industries chimiques et sidérurgiques, le raffinage, le transport maritime et
l’aviation ne sauraient se « décarboner » sans hydrogène « propre ». L’hydrogène permet aussi de faire voyager les énergies renouvelables des pays les mieux pourvus vers les autres, et de stocker assez d’énergie pour les longues périodes sans vent ni soleil – énergies qui vont dominer le mix électrique. On ne peut donc que se féliciter de voir surgir partout des plans hydrogène enfín dotés de moyens conséquents.

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A-t-on besoin du nucléaire en France?

Le quotidien spécialisé Enerpresse vient de publier une contribution au débat sur le nucléaire en France que nous avons rédigée, Alain Grandjean, Président de la Fondation pour la Nature et l’Homme, François Lempérière (Président d’Hydrocoop) et moi-même. Cliquez ci-dessous pour obtenir le pdf. Nous y comparons, à échéance 2050, deux situations hypothétique: une avec 50% de nucléaire dans la production d’électricité, l’autre sans – donc avec pratiquement jusqu’à 100% de renouvelables. Autrement dit, que se passerait-il si l’on ne construisait plus de nucléaire en France, sachant que des centrales aujourd’hui en fonctionnement, très rares sont celles qui pourraient l’être encore dans 30 ans.

 

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L’éolien maritime: un immense potentiel « en base et variable »

Pour une fois, mes ex-petits camarades du World Energy Outlook ont fait preuve d’audace. Leur évaluation du potentiel techno-économique mondial de l’éolien offshore est renversante – et disponible pour tous grâce à un rapport spécial, Offshore Outlook 2019, tiré du WEO 2019. Environ dix fois la consommation mondiale d’électricité, et ce, sans aller chercher très loin des côtes (mais en revanche, sans limite sur les côtes nord de la Sibérie et du Canada, cf. plus bas la carte des facteurs de capacité ). Et l’Europe est ici bénie des dieux, avec un potentiel propre plus de dix fois égal à sa consommation présente (voir ci-dessus). Attention, ne vous y trompez pas: le potentiel est en bleu, la demande est en jaune, pas l’inverse!

Les coûts? Appelés à diminuer de moitié – d’un coût moyen aujourd’hui de l’ordre de 100 US$ par mégawattheure en moyenne pour les projets raccordés en 2018, tombant à 50 US$ le MWh en 2025.

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L’avion vert n’est pas une option, mais une nécessité

Alternatives Economiques consacre son dossier de juin à la croissance vertigineuse du transport aérien et son impact environnemental, montrant la légitimité d’une taxation du transport aérien. Cette taxe, actuellement en débat, n’aurait cependant selon Alter Eco guère d’effet sur les émissions spécifiques des avions, puisque « les principales améliorations techniques sont derrière nous ». L’Energy Transition Commission (ETC) pointe pourtant de multiples progrès d’efficacité à venir. Reste que ceux-ci réduisent le coût du transport aérien, favorisant en retour l’augmentation du trafic – « l’effet rebond » des économistes de l’énergie – ce qui renforce l’intérêt d’une taxation.

Faut-il pour autant admettre avec Alter Eco que « l’avion vert est à ce jour une illusion » – et donc considérer que l’aviation pourra ralentir la croissance de ses émissions mais pas les réduire vraiment? Peut-être pas. Scientifiques et ingénieurs explorent de multiple pistes – passons les rapidement en revue.

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