« Pollutions d’eaux souterraines et de surface causées par les produits chimiques utilisés »… « Grandes quantités d’eaux nécesaires à la fracturation hydraulique puis à l’extraction entrent en compétition avec d’autres usages, agricoles en particulier… » Bref, pour Libération ce 29 novembre, comme pour beaucoup, la fracturation hydraulique c’est la cata pour l’environnement. Mais est-ce si évident?
Il y a des risques, c’est évident. La fracturation hydraulique utilise des quantités d’eau importantes par comparaison avec l’exploitation de gaz conventionnel – mais comparables à celles utilisées pour le pétrole conventionnel. Dans les zones arides il peut y avoir compétition, encore qu’on n’a pas entendu dire que c’était un problème majeur au Proche-Orient. Au Texas, le shale gas représente moins de 1% de la consommation de l’Etat. Sur le territoire français métropolitain, la quantité d’eau n’est pas un problèôt, pour éviter tout risque de conflit, il suffirait de procéder à la fracturation (qui ne dure que quelques semaines) seulement en hiver, comme l’ont suggéré les parlementaires Gonnod et Martin. En revanche, si elle n’est pas accessible sur place et qu’il faut la transporter, il faut 500 mouvements de camion pour un puits (15 000 m3 en moyenne), sur la durée de vie du puits, ce qui n’est pas rien.
Quels sont les risques qualitatifs pour l’eau? Un risque est celui de la contamination des nappes phréatiques lors de la traversée de celles-ci – les zones riches en gaz se trouvant généralement des centaines ou milliers de mètres plus bas. C’est le risque le moins probable. Un autre risque est celui de la contamination des nappes « par en-dessous », par une recirculation vers la surface de l’eau injectée pour fracturer. Peu important lorsqu’au moins 600 mètres de roches séparent la zone injectée de la nappe phréatique, ce risque augmente quand l’épaisseur des couches intermédiaires est plus faible.
L’eau qui revient doit être traitée avant d’être restituée à l’environnement ou plutôt recyclée et réutilisée. Le mélange injecté contient en gros 95% d’eau, 5% de sable et 1 à 2 pour mille d’additifs chimiques comparables à ceux qu’on utilise pour traiter l’eau ou les sols. L’eau qui revient peut contenir en plus du sel et des éléments en suspension, qu’il faut éliminer. Décantation, floculation, électrocoagulation… il n’y a là rien de très différent des traitements usuels dans les stations d’épuration, pourvu qu’il y soit procédé correctement. Bien sûr, le risque n’est pas nul, et ne peut qu’augmenter à proportion des volumes impliqués, mais s’il y a là de bons motifs pour mettre en oeuvre des réglementations strictes, il est difficile d’y voir une difficulté insurmontable. Des risques, oui, une catastrophe, pas forcément. Les gaz de schistes, ce n’est pas la même chose que les sables asphaltiques de l’Alberta. Le problème, c’est que la question de l’eau s’ajoute à celle des nuisances en surface – peut-être le plus important problème.
Quelques références utiles: Golden rules for Golden Age of Gas (AIE); les gaz non-conventionnels et l’eau (IFP); Shale gas and groundwater contamination (RFF) et enfin l’étude faite pour la Commission Européenne par AEA.