Les mauvais calculs de Jean-Marc Jancovici que reprennent la droite et l’extrême-droite

Le mauvais calcul de Jancovici, qui prétend qu’il faudrait une éolienne par kilomètre en France pour fournir à la France toute son énergie, est souvent repris par des orateurs du prétendu « Rassemblement national » et quelquefois par des représentants des auto-proclammés

« Républicains ». C’est pourquoi j’ai cru devoir mettre à la disposition de tous le démontage de cet argument auquel j’ai procédé dans mon livre Les Eoliennes, pourquoi tant de haine? paru en mars 2023 aux Editions Les Petits Matins/Institut Veblen.

Le très médiatique ingénieur Jean-Marc Jancovici s’exprime sur le plateau de « C à vous », sur France 5, le 5 novembre 2021 : « On a fait un tout petit calcul : si, en France, on n’avait que des éoliennes pour fournir la totalité de notre énergie, y compris ce qui fait tourner les voitures et les usines, il en faudrait une tous les kilomètres partout dans le pays. » C’est à la page 127 de la fameuse BD « Un monde sans fin ».

La France métropolitaine a une superficie de 555 000 km2. Une éolienne tous les kilomètres, ça fait 550 000 éoliennes !

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Les œillères du Rassemblement national

Pour des raisons que mes lecteurs n’auront aucun mal à se figurer, j’ai cru utile, en ce jeudi 14 juin 2024, de mettre à leur disposition ces quelques pages extraites d’Eoliennes, pourquoi tant de haine? – livre paru en mars 2003 aux éditions Les Petits Matins/Institut Veblen. 

Séance de nuit à l’Assemblée nationale, le 26 juillet 2022. On discute de la loi de finances rectificative de 2022, plus précisément de cet article 13 qui va permettre à l’État d’empocher la rente pour les exploitants d’éoliennes créée par l’envolée des prix de l’électricité sur les marchés. L’écologiste Éva Sas prend la parole : « Les énergies renouvelables doivent rapporter au total 8,6 milliards d’euros au budget de l’État en 2022 et 2023. En effet, les prix de marché sont maintenant supérieurs aux prix garantis par les contrats. »

Jean-Philippe Tanguy, député Rassemblement national de la Somme, trouve son intervention « totalement surréaliste ». Selon lui, « c’est un aveu terrible pour les écologistes » : « Pendant des années, ils nous ont expliqué que, grâce à la marche naturelle du monde, les énergies renouvelables étaient rentables. Il a fallu que les prix sur le marché européen de l’électricité atteignent des montants totalement historiques – qui ne représentent aucune réalité économique – pour que les éoliennes commencent effectivement à rapporter de l’argent, non pas aux Français, mais au fisc et à l’État. »

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« Le bilan climatique des véhicules électriques serait médiocre, mais que valent ces griefs ? »

Dans une tribune au « Monde », l’expert de l’énergie Cédric Philibert démonte une par une les critiques adressées aux voitures électriques. (Ma tribune dans le Monde daté du lundi 28 mai, en ligne depuis le 24 mai à 13 heures).

La résolution européenne d’imposer des émissions de CO2 nulles à partir de 2035 aux voitures particulières neuves et aux utilitaires légers a été prise en 2023, mais la volonté politique d’y parvenir remonte à 2015. Elle a été mûrement réfléchie et longuement débattue entre la Commission, le Parlement et les vingt-sept exécutifs européens. En effet, l’accord de Paris sur le climat, signé en 2015, engage l’humanité à maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien au-dessous de 2 °C au-dessus des niveaux préindustriels » et, si possible, au-dessous de 1,5 °C. Il faut, pour cela, plafonner au plus vite les émissions mondiales de gaz à effet de serre, puis atteindre des émissions nettes nulles dans la seconde moitié du siècle. Les Etats-Unis, l’Europe, le Japon, le Royaume-Uni et d’autres s’y sont engagés pour 2050, la Chine suivra en 2060, l’Inde en 2070.

Les candidats de droite et d’extrême droite aux élections européennes du 9 juin veulent abroger cette décision, requalifiée en « choix du tout-électrique ». Leurs principaux griefs : ce choix « viole la neutralité technologique », en excluant « d’autres moyens » de réduire les émissions, selon François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains. Un coût trop élevé priverait les classes moyennes et populaires d’un moyen de transport accessible financièrement. Le bilan climatique des véhicules électriques serait médiocre. La concurrence chinoise, enfin, en avance dans la technologie électrique, ferait peser une lourde menace sur l’industrie automobile européenne, « désorganisée » par le passage à l’électrique, selon Jordan Bardella, tête de liste du Rassemblement national. Que valent ces griefs ?

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De la cohabitation entre nucléaire et renouvelables

Dans le scénario NO2 de RTE, le nucléaire fournit au plus 50% de l’électricité en 2050, avec 14 EPR 2, une vingtaine de petits réacteurs modulaires, et des centrales existantes prolongées au-delà de 60 ans d’activité. On le sait, c’est le scénario privilégié par l’exécutif depuis le discours de Belfort du Président de la République le 10 février 2022.

Une partie des forces politiques voudrait aller plus loin, mais déjà le réalisme de ce scénario est sujet à caution (mais ce n’est pas mon sujet aujourd’hui).. Dans les autres scénario, N2 ou N1, et a fortiori les scénarios sans nucléaire neuf, la part du nucléaire en 2050 est nettement inférieure à 50%.

Mais comment exactement le nucléaire et les renouvelables, dont une grosse majorité sera du type « variable », le solaire et l’éolien, pourront-il cohabiter? Est-ce qu’un nucléaire « modulé » n’est pas nécessairement beaucoup plus coûteux qu’un nucléaire fonctionnant en base? La réponse est sans doute qu’il sera plus coûteux, en effet, mais pas forcément tant que ça, et pas forcément plus coûteux que d’autres solutions de « back-up » décarboné.

Voyez comment Etienne Dutheil, Directeur de la production nucléaire à EDF, présentait la question récemment, lors de son audition le 6 février dernier par la commission sénatoriale d’enquête sur la production, la consommation et le prix de l’électricité aux horizons 2035 et 2050.

Au passage, c’est aussi une réponse à tous ceux qui prétendent que les renouvelables « ne font que » prendre la place du nucléaire et ne servent donc à rien, dont nous avons déjà parlé ici.

 

Mine de lithium dans l’Allier : «Voulons-nous que nos voitures fonctionnent au pétrole, ou à l’électricité du soleil et du vent» ?

Alors que le débat public s’achève sur le projet de mine à Echassières (Allier) devons-nous laisser dormir les centaines de milliers de tonnes de lithium que renferme son granite ? Ou sécuriser les approvisionnements des usines de batteries en construction dans les Hauts-de-France ? interroge Cédric Philibert, chercheur associé à l’Ifri (1) .

Ma tribune sur le site de Libération, le 9 mai 2024.

Vue aérienne de la carrière de Kaolin exploitée sur le site de Beauvoir par Imerys, à Echassières dans l’Allier. Photo GUY Christian / / Hemis via AFP

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The climate performance of electric vehicles is better than you think

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

The manufacturing of electric vehicles (EVs) entails greater greenhouse gas emissions (GHG) than manufacturing conventional cars. GHG emissions from use, while dependent on the carbon content of the grid electricity, are significantly lower for EVs than for conventional cars. As a result, total GHG emissions are always lower for EVs.

Many studies underestimate the ongoing decarbonization of electric grids in most countries. Taking it in account would further reduce the estimated GHG footprint of EVs. Moreover, EVs will facilitate the integration of renewable energy sources into the energy systems. Smart charging, based on the lower electricity costs of renewable energy, will allow EV owners to charge their batteries with low carbon electricity.

Concerns have been raised that increased mining and metal refining efforts would entail growing energy needs and thus undermine EVs’ climate performance. The reality is the opposite: technical improvements have allowed mining lower grade deposits with constant energy expenditures and expanded available reserves and resources.

(cliquer ici pour obtenir le document pdf de mon Memo IFRI)

Jancovici et l’éolien (3)

Parce que sur LinkedIn les vieux posts sont difficiles à retrouver, et que les short url n’ont semble-t-il qu’une durée de vie limitée, j’ai décidé de reprendre ici trois posts à propos de trois pages de la BD Le Monde sans fin de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain.

Vous avez apprécié ces deux posts dans lesquels je montrais comment Jean-Marc Jancovici s’efforce, quoi qu’il en dise, de montrer que les renouvelables sont plus nuisible qu’utiles. Ils concernent les pp.34 et 35 de sa BD (avec Christophe Blain) Le Monde sans fin. Je vais donc continuer ici le travail entrepris avec Eoliennes pourquoi tant de haine ? (Editions Les Petits Matins/Institut Veblen) et reprendre quelques autres affirmations discutables de Jean-Marc Jancovici sur les énergies renouvelables.

Prenons cette demi- page: on y apprend notamment que le solaire « artificialise des surfaces importantes », et que « l’éolien demande beaucoup d’espace et dégrade les sols agricoles ». On s’étonne qu’un ingénieur ne nous donne aucun chiffre. Voici ceux que nous donne RTE: autour des éoliennes, il y a de vastes espaces de « co-usages »: on peut y cultiver des champs, faire paître son bétail. 8 à 18 ha par MW en 2050. Il y a une zone artificialisée, avec pistes d’accès, postes de livraison, etc: 0,15 ha/MW. Enfin il y a une zone imperméabilisée : 0,02 ha/MW. Et on ne voit pas en quoi les sols agricoles sont dégradés. Le solaire maintenant, la redoutable « centrale solaire au sol »: entre 1 et 2 ha/MW de co-usages, 0,09 ha/MW artificialisés, 0,002 ha/MW imperméabilisés! Autant dire, pas grand chose. De fait, selon que les scénarios ont 50% ou 100% de renouvelables dans la production d’électricité, celle-ci, et les lignes de transport d’électricité, artifialiseront entre 300 et 700 ha par an d’ici 2050. Un chiffre à rapprocher des 25 000 hectares artificialisés chaque année en moyenne entre 2010 et 2020 dans notre beau pays…
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Jancovici et l’éolien (2)

Parce que sur LinkedIn les vieux posts sont difficiles à retrouver, et que les short url n’ont semble-t-il qu’une durée de vie limitée, j’ai décidé de reprendre ici trois posts à propos de trois pages de la BD Le Monde sans fin de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain. Ici la page 35.

Vous avez été nombreux à aimer et à reposter mon petit billet du 14 mars où
j’Le Monde sans fin p.34examinais la façon dont Jean-Marc Jancovici s’y prenait pour illustrer la faible densité de l’énergie éolienne et au-delà, suggérer l’inefficacité fondamentale des éoliennes à la p.34 de sa bande dessinée (avec Christophe Blain) Le Monde sans fin. Voici donc la suite, p.35. Ici, JMJ nous apprend que « le prix du kWh éolien issu d’une source diffuse, peu dense – l’air – est multiplié par un facteur de l’ordre de 100 par rapport au kWh provenant d’un puits de pétrole saoudien ».

JMJ part d’un coût du kWh éolien entre 4 et 6 centimes puis le multiplie par 3 pour un kWh « disponible tout le temps », c’est vrai pour un éventuel consommateur isolé, un peu excessif pour un kWh dans un réseau avec un mix d’autres sources et de flexibilités, on pourrait montrer que multiplier par 2 suffit mais ne chinoisons pas, il y a pire.
Ensuite, il confond les kWh thermiques du pétrole et les kWh électriques de l’éolien, en général trois fois plus efficaces comme je l’explique dans le billet précédent et plus en détails dans Eoliennes pourquoi tant de haine ? à propos de la p.127 du Monde sans fin.
Regardons surtout le prix du pétrole dans la BD : 0,3 c€/kWh. C’est 3,6 c€/l, soit 5,72 € le baril. C’est peut-être le coût d’extraction du brut en Arabie Saoudite, pas son prix de vente sur le marché mondial, plutôt 50-60 $/bbl au moment de la rédaction du Monde sans fin (et 100 $/bbl aujourd’hui).

JMJ oublie tout simplement la rente pétrolière, soit la différence entre le coût d’extraction d’un baril, et le cours mondial du pétrole, qui reflète le coût du dernier baril nécessaire pour répondre à la demande. Cette rente est considérable sur le pétrole saoudien (340 Mds $ en 2022), dont l’extraction est la moins chère au monde. Oubli logique puisque JMJ prétend que le pétrole est aussi gratuit que le soleil ou le vent (p.32).

Finalement, il faut ajouter le transport du brut, son raffinage, le transport et la distribution des produits pétroliers. Et voilà pourquoi, même s’il n’était pas taxé, aucune chance que vous achetiez un litre de carburant 3,6 centimes, ni même 36…

Bien sûr, il y a aussi les taxes sur les carburants, que certains voudraient supprimer, à commencer par… les producteurs de pétrole, qui verraient alors leurs ventes augmenter, et leurs rentes (prix*volumes) augmenter plus vite encore …

Soyons clair: l’électricité produite avec le soleil ou le vent est aussi à même d’engendrer une rente différentielle, entre son coût de production, reflété (avec une marge raisonnable) dans les contrats de complément de rémunération, et le prix de vente du kWh sur les marchés de gros en Europe, qui reflète le coût du dernier kWh produit pour répondre à la demande.

La différence, considérable, est que la totalité de cette rente depuis le 1er janvier 2022 va à l’Etat, c’est-à-dire à nous tous.

Jancovici et l’éolien (1)

Parce que sur LinkedIn les vieux posts sont difficiles à retrouver, et que les short url n’ont semble-t-il qu’une durée de vie limitée, j’ai décidé de reprendre ici trois posts à propos de trois pages de la BD Le Monde sans fin de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain.

Dans mon livre Eoliennes pourquoi tant de haine? je montre les erreurs de Jean-Marc Jancovici dans son affirmation qu’il faudrait une éolienne par km pour produire toute l’énergie consommée en France ( (Un monde sans fin, p.127)… et je raconte comment il a reconnu la principale de ces erreurs, tout en persistant dans son affirmation en commettant une autre erreur. Ici, je veux revenir sur une autre page de cette BD où il dézingue l’éolien, la page 34, ci-dessous.

1000 m3 d’air, « c’est beaucoup », et même en passant dans l’éolienne à la vitesse « d’un bon mistral », ça ne permet de produire que l’énergie de 3 ml de pétrole, « c’est pas beaucoup ». Bref, l’éolien, ce n’est pas efficace parce que c’est beaucoup moins concentré que le pétrole.

Rien n’est faux, à strictement parler, mais les biais sont partout. Un vent de 80 km/h, c’est pas tous les jours, mais les éoliennes produisent exactement autant à partir de 35 km/h et jusqu’à 100 km/h, c’est nettement plus fréquent. Une éolienne terrestre de 3,6 MW (ce qu’on installe aujourd’hui), ce sont des pales de 60 m de long, donc une surface de rotor de 11 300 m2, soit 113 fois plus que le cube d’air de JMJ. Ce cube a un côté de 10 m, avec un vent de 36 km/h il traverse ce rotor en une seconde. L’éolienne de 3,6 MW produit alors 3600 kWh par heure, soit 1 kWh par seconde, donc en douze secondes l’équivalent de l’énergie d’un litre de pétrole (~12 kWh). En une heure, 300 litres, en un an près de 800 000 litres (facteur de capacité de~30%, emplacement moyen, année moyenne, vu les caractéristiques). Tout d’un coup ça devient « beaucoup », 16000 pleins d’essence, surtout si on considère (l’erreur originelle que j’avais relevée) que l’électricité c’est beaucoup plus « efficace » que l’énergie thermique potentielle du pétrole – je fais avec trois fois plus de kilomètres par kWh – donc l’équivalent de 48 000 « pleins »…

Un monde sans fin p.24

La transition que Fressoz ne veut pas voir

Peut-on comme Jean-Baptiste Fressoz affirmer que «la transition énergétique n’aura pas lieu» car cela ne s’est pas produit dans le passé ? Non. Pour le chercheur Cédric Philibert, la décarbonation des énergies progresse et assure l’essentiel pour réduire nos émissions.

Ci-dessous, ma tribune que Libération a publiée sur son site le 15 janvier, en réponse à la recension du récent livre de JB Fressoz publiée le 10 janvier par le même quotidien.

Dans son nouveau livre au titre explicite, Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie, Jean-Baptiste Fressoz ne se contente pas de son rôle d’historien. Il se fait aussi prophète de malheur, comme l’affirme sans ambages le bandeau qui entoure l’ouvrage : «La transition énergétique n’aura pas lieu.» Libération le synthétise ainsi : «A chaque fois qu’une nouvelle source d’énergie apparaît, elle ferait augmenter l’usage de celles déjà existantes, selon l’historien Jean-Baptiste Fressoz, et rendrait la décarbonation impossible. Laissant la sobriété seule solution viable.» Continuer la lecture