
Dérèglement climatique et générations futures

Les fours à arc électrique produisent environ un quart de l’acier mondial
Je lis de plus en plus souvent sur LinkedIn des commentaires qui reprennent cette idée qu’on ne saurait fabriquer éoliennes et panneaux solaires, ni d’ailleurs aucun artefact de la civilisation industrielle, sans énergies fossiles. Pas d’extraction des minéraux possibles sans pétrole, pas de transports de et vers les usines sans pétrole, pas d’usines sans charbon ou gaz. Cette affirmation est rarement démontrée. Jean-Marc Jancovici fait seulement mine de se poser la question – la civilisation industrielle peut-elle survivre sans fossiles? Jean-Baptiste Fressoz, plus malin, note seulement que pour fabriquer de l’acier sans fossiles, il faut beaucoup d’électricité, ce qui est vrai, et qu’il n’est pas sûr qu’on arrive à en produire assez – et à changer les modes de production – d’ici à 2050, c’est en effet un point de discussion sur lequel personne ne peut apporter de preuve expérimentale avant 2050. Et cela risque d’être une prophétie autoréalisatrice, décourageant les efforts pour y parvenir…
Voici la Tribune que Le Monde a bien voulu mettre en ligne lundi 3 juillet. Le Chapô est bien entendu de la rédaction du Monde: « ¨Pour l’économiste Cédric Philibert, il est possible d’atteindre l’objectif de « zéros émissions nettes » d’ici 2050 grâce à l’électrification par les renouvelables, sans attendre le nucléaire. »
La progression semblait inexorable : hormis 2020 pour cause de pandémie, les émissions mondiales de gaz à effet de serre augmentaient d’année en année, battant à chaque fois de nouveaux records. L’année 2023 devrait cependant marquer un premier point d’inflexion, selon le think tank Ember Climate : les émissions liées à la production d’électricité pourraient enfin reculer, grâce à la croissance très rapide de l’éolien et du solaire, qui produisent désormais respectivement 7,5 % et 4,5 % de l’électricité mondiale ; ils n’en produisaient ensemble que 6 % en 2015.
Après plusieurs mois d’essais et de vérifications sur place, elle est entrée en service commercial lundi 6 mars – prétexte à une petite cérémonie d’inauguration. Elle, c’est la première « batterie de chaleur » électrique aux États-Unis à atteindre des températures de 1 500 °C. Elle est installée à Pixley, en Californie, à peu près à mi-chemin entre San Francisco et Los Angeles, au sein de l’usine de production d’éthanol de Calgren.
C’est très vite qu’il faudra augmenter la production d’énergie décarbonée à destination de nombreux process industriels. Hélas, la loi sur l’accélération de la production d’énergies renouvelables ne permet pas réellement de rattraper le retard français.
Je reproduis ici un article publié dans L’économie Politique de février dernier. J’ai ajouté en italiques quelques remarques davantage d’actualité.
En l’espace d’un peu plus d’un an, les perspectives énergétiques de la France semblent avoir radicalement changé. Rembobinons le film. A l’automne 2021 paraît la première version de l’étude de Réseau de transport d’électricité (RTE), « Futurs énergétiques 2050 ». Elle consacre, explicite et détaille la stratégie nationale bas carbone (SNBC) révisée en 2018-2019, en application de la loi de transition énergétique de 2015. Rompant avec les projections antérieures d’une quasi-stagnation de la demande d’électricité, l’étude de RTE envisage un changement radical de trajectoire, une augmentation de 50 % à l’horizon 2050, car l’électricité doit remplacer une large part des combustibles et carburants fossiles… tout en prévoyant une baisse de 40 % de la demande d’énergie finale.
C’est un thème très en vogue auprès des adversaires des énergies renouvelables qui ne jurent que par le nucléaire : l’éolien et le solaire ne feraient en France que prendre la place de l’énergie nucléaire. Et de ce fait, ne contribueraient en rien à décarboner le mix électrique français ou européen.
Jean-Marc Jancovici, entre autres, aborde ce thème dans sa fameuse bande dessinée « Le Monde sans fin » (avec Christophe Blain, Dargaud), pp. 158-159. La thèse est reprise avec force par deux autres polytechniciens, anciens dirigeants d’entreprises, Gérard Buffière et Bernard Kasriel, dans une tribune d’Atlantico le 4 avril dernier : « La priorité d’injection sur le réseau, que confèrent leurs contrats aux producteurs d’énergie renouvelable, dès que leurs installations éoliennes ou solaires produisent, se traduit par une baisse de la production nucléaire. »
Près d’un mois après sa parution, il faut revenir sur le dernier rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), ce document qui synthétise les trois volets de la sixième évaluation du dérèglement climatique : les bases physiques, les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité, enfin les mesures d’atténuation, publiés quant à eux en août 2021, février et avril 2022. Moins pour en rendre compte à notre tour, que pour s’étonner de la façon dont la plupart des commentateurs en ont rendu compte.
Stupeur et tremblements : la loi d’accélération des renouvelables à peine promulguée, les dernier appel d’offre éolien du gouvernement français s’achève en désastre. L’appel éolien visait 925 mégawatts (MW) de puissance éolienne. 944 MW ont été proposés par des développeurs… et 54 MW seulement retenus par le ministère de la Transition écologique, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Un appel d’offre solaire a suivi à peu près le même sort.
Je reproduis ci-dessous la Tribune que Le Monde du 31 mars dernier a bien voulu publier.
Le président de la République a justifié par de « trop grands risques économiques et financiers » son choix d’imposer une réforme des retraites refusée par trois Français sur quatre. Plus que l’équilibre du système par répartition, ce sont sans doute le déficit du commerce extérieur et la dette publique qui sont dans son viseur, le premier contribuant à creuser la seconde.
De la réforme des retraites, on attend 10 milliards à 13 milliards d’euros d’économies annuelles, alors que le déficit commercial est passé de 65 milliards à 164 milliards d’euros entre 2020 et 2022. D’après le ministre du commerce extérieur, « plus de 80 % de l’aggravation du déficit s’expliquent par l’augmentation de la facture énergétique, passée de 45 milliards à 115 milliards entre 2020 et 2022 ». En cause, les prix du gaz, du pétrole et de l’électricité, sur fond de guerre en Ukraine.
« L’extraction des matériaux nécessaires à la production solaire et éolienne menacerait environ 40 millions de kilomètres carrés (km²) sur notre Terre et au fond de nos mers, selon cet article de la revue Nature » : voilà ce qu’on pouvait lire dans un article « Nucléaire et énergies renouvelables : si l’on arrêtait de les opposer ? » publié le 4 février dernier sur le site revolution-energetique.com. Louable intention, devant la menace des dérèglements climatiques il faut faire, si j’ose, feu de tout bois.
Estomaqué par ce chiffre considérable, j’ai voulu y aller voir de plus près. Nature, a priori, c’est du sérieux, une des plus prestigieuses revues scientifiques à comité de lecture, Nature ne publie pas n’importe quoi. D’un autre côté, 40 millions de km², c’est beaucoup, les terres émergées comptant 150 millions de km² – mais peut-être est-ce « le fond de nos mers » que l’extraction des matériaux menace surtout, les océans couvrant 360 millions de km² ?