L’a-t-on assez dit? Le photovoltaïque coûte effroyablement cher. La preuve: le kWh photovoltaïque coûte 45,9 centimes d’euros aux consommateurs français d’électricité, selon les chiffres de la commission de régulation de l’énergie. Le solaire photovoltaïque contribue pour 12% à la production d’électricité d’origine renouvelable bénéficiant d’un tarif de rachat (donc hors hydraulique), mais représentera en 2013 41% des charges du service public de l’électricité, et 70% du total des renouvelables dans ces charges. La contribution au service public de l’électricité, qui couvre également la péréquation tarifaire hors zones interconnectées, la cogénération, etc. devra d’ailleurs augmenter de 80% en 2013 pour couvrir l’augmentation des charges et le déficit des années passées. Le PV coûterait donc près de dix fois plus cher que le kWh sur le marché, provenant essentiellement des centrales nucléaires.
La logique semble imparable. Pourtant, si on regarde les prix des installations que l’on fait aujourd’hui, tout change. Les centrales solaires au sol, à fin 2012, coûtent à peine plus d’un euro le watt. Selon l’ensoleillement et le loyer de l’argent, le coût actualisé du mégawattheure va se situer autour de 100 euros dans le sud de la France, comme le montre la figure ci-dessus (en dollars des Etats-Unis, et avec un coût de système « soutenable » de 1,7 dollars).
La meilleure preuve en est… qu’avec un tarif « T5″ qui s’applique aux centrales PV au sol jusqu’à 12 MW de puissance, les projets se multiplient, au point de pousser la Direction générale du Climat et de l’Energie à envisager de le baisser de 20% d’un coup afin d’éviter ce qui lui apparaît comme une nouvelle « bulle » photovoltaïque.
Comment peut-on expliquer une telle divergence entre le coût des investissements passés – pourtant pas si anciens! – et celui d’aujourd’hui? D’abord, parce que le panier des investissements anciens comprend surtout des systèmes « intégrés au bâti », pour l’instant nettement plus cher que les centrales au sol, et bien mieux rémunérés, à dessein, l’objectif étant de développer une filière d’excellence autour de l’intégration au bâti. Mais surtout, grâce à l’incroyable baisse des coûts, qui a amené le prix des modules de 5 dollars le watt à un demi dollar en quinze ans. Et tout indique que les coûts vont continuer de baisser – rattrapant les prix de marché, puis les entraînant encore à la baisse, peut-être dans une poignée d’années.
Pour une petite part, certes, cette baisse est artificielle. A 0,55 dollars le watt les fabriquants de modules photovoltaïques ne gagnent pas d’argent – ils en perdent. La concurrence est sévère, dans un contexte de surcapacités tout à fait typique des industries électroniques. Le « vrai » coût devrait s’élever aux alentours de 0,8 dollars le module, soit pour un système au sol complet 1,7 dollar par watt, plutôt que 1,4. Le reste, ce sont de vrais réductions de coût, durables, dues aux économies d’échelle et aux progrès technologiques considérables accomplis
Le MWh des centrales nucléaires nouvelles, et non pas celui des centrales existantes largement amorties, était estimé entre 70 et 90 euros par la Cour des comptes, avant la récente estimation du prix du premier EPR. Le kWh de nouvelles centrales fossiles, à gaz ou charbon, se situe du reste à des niveaux relativement comparables, comme celui des éoliennes terrestres. Seuls se situent nettement au-dessus du lot le kWh éolien maritime… et le kWh photovoltaïque intégré au bâti. Or, quand il s’agit de regarder l’avenir et de prendre des décisions relatives à de nouveaux investissements, ce sont ces chiffres-là qu’il faut regarder.