Construction du parc solaire de Cestas en Gironde
Le 20 août dernier, alors qu’il visitait l’Institut National de l’Energie Solaire près de Chambéry, François Hollande annonçait le doublement d’un appel d’offre photovoltaïque (PV) en cours, de 400 à 800 MW, au vu du nombre et surtout du coût, en forte baisse, des propositions reçues. Peu après, un arrêté de la directrice de l’Energie rehaussait, de 5,4 gigawatts (GW) à 8 GW (ou 8 000 mégawatts – MW), l’objectif à fin 2020 de puissance installée solaire (a priori presque exclusivement PV). De fait, l’objectif initial avait été atteint au cours du troisième trimestre 2014, et la France a dépassé 6 GW en juin dernier.
Ce nouvel objectif doit-il être considéré comme définitif ? C’est peu probable. Techniquement, il s’agit d’une révision de la programmation pluriannuelle des investissements (PPI) de 2009, qui donne une légitimité aux appels d’offres en cours ou à venir prochainement. La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) découlant de la loi sur la transition énergétique fournira dès l’an prochain l’occasion de revoir à nouveau ce chiffre. Et tout concourt à justifier un chiffre nettement supérieur.
L’Allemagne sera à 40 GW à la fin de l’année, l’Italie à 19 GW, le Royaume-Uni fait jeu égal avec la France (qui malgré tout devance l’Espagne et la Grèce). Les centrales au sol dans une grande moitié sud du pays sont désormais proposées entre 70 et 80 euros le mégawattheure (MWh). Le tarif des installations en toiture, hors intégration totale au bâti, vient d’être légèrement relevé et atteint 130 à 140 euros selon leur taille .
Ce prix reste plus élevé que le prix de marché de gros moyen de l’électricité en France, qui provient pour l’essentiel de centrales nucléaires et hydrauliques largement amorties. La différence continuera d’être financée par la contribution au service public de l’électricité (CSPE) – sous forme de tarifs d’achat ou, bientôt, pour les centrales d’une certaine taille, en « complément de rémunération » s’ajoutant au prix de marché. En 2015, les dépenses de la CSPE pour le PV existant – un productible estimé à 6 128 gigawattheures (GWh) – devraient atteindre 2 394 M€ selon la commission de régulation de l’énergie (CRE). C’est le poids du passé : les 4 premiers gigawatts pèsent à eux seuls 1880 M€ par an.
Un mégawattheure solaire d’une centrale au sol supplémentaire ajoutera à la CSPE la différence entre son prix d’achat moyen, disons 75 €, et le prix spot diurne moyen de l’électricité sur les marchés de gros (46.5 € en 2015 selon la CRE, en croissance de 2%/an), soit 27.6 € la première année, en 2016. Le gigawatt solaire de plus au sol ajoutera donc quelque 37 M€ en 2016. Un calcul similaire montre que le gigawatt en toiture en intégration simplifié ajouterait, lui, quelque 110 M€ – sans tenir compte d’une part d’autoconsommation. Ces coûts se réduiraient au fil des années, tombant à 8 M€ et 82 M€, respectivement. Les gigawatts ajoutés entre 2017 et 2020 devraient, quant à eux, coûter également moins cher.
Passer de 6 GW à 20 GW en cinq ans, moitié au sol moitié en toitures, ajouterait à la CSPE à peu près un milliard d’euros: on ferait mieux que tripler la production en augmentant de moins de 50% la part de la CSPE consacrée au photovoltaïque. Avec une proportion plus importante de centrales au sol, ou de grandes installations avec une part d’autoconsommation dans le secteur commercial, on pourrait quadrupler la production, atteindre ou dépasser 25 GW avec le même effort.
C’est là le résultat étonnant de la spectaculaire baisse des coûts du PV survenue ces dernières années, à commencer par celui des modules sur les marchés mondiaux, passé de 4 dollars en 2008 à moins de 80 cents aujourd’hui. Tout compris, la centrale Cestas de Neoen près de Bordeaux, 300 MW, aura coûté 360 millions d’euros, dont 300 millions (1 euro par watt) pour la centrale proprement dite, hors foncier, poste électrique RTE et coûts financiers.
Il faut donc encore et encore subventionner le photovoltaïque, s’étonneront (ou s’étrangleront) certains. C’est une question de point de vue – les prix spot reflètent essentiellement les coûts marginaux d’exploitation des centrales, et le prix quelque peu arbitraire des centrales nucléaires amorties. Autour de 75 euros le mégawattheure, le solaire au sol n’a guère de concurrents s’il s’agit de construire des moyens de production nouveaux, sauf… l’éolien. Autrement dit, la CSPE n’est rien d’autre qu’une forme de financement, par la facture d’électricité, d’investissements qui devront bien être faits tôt ou tard, car on ne pourra pas indéfiniment prolonger les centrales nucléaires vieillissantes.
EdF estimait en 2012 que financer 8 GW de PV coûterait en 2020 jusqu’à 2 942 M€/an sur la CSPE – on voit aujourd’hui qu’on peut faire beaucoup mieux à ce prix-là, et il faut espérer que la PPE en tiendra pleinement compte. Et que les décisions ne se feront pas attendre trop longtemps. L’administration avait justifié le « moratoire » de 2011 sur le développement du PV par l’approche de l’objectif d’alors, qu’elle considérait, comme l’a montré l’avocat Arnaud Gossement, comme un plafond plutôt que comme un plancher. L’objectif de 8 GW qui vient d’être fixé sera vite atteint, ce qui donne encore une fois trop peu de visibilité à la filière pour justifier des investissements.
Merci Cedric pour tes articles très pertinents.
Sur le PV en toiture, il y un énorme potentiel qui est très peu exploité: c’est celui de la renovation et de la construction.
Pour ma part, j’ai choisi de rénover la toiture avec du PV plutôt que des tuiles. Je n’avais pas demandé de devis, mais par comparaison avec d’autres personnes, la rénovation correspondait environ à 50% du coût PV.
En déduisant les frais de la rénovation inévitable, le coût était de 1€ HT du Wc sur du 17kWc pose comprise. Donc voisin de Cesta. Et c’était il y a trois ans.
Je suis toujours surpris de voir des nouvelles constructions avec toiture bien exposée construite avec des tuiles. Quand les architectes prendront en compte le fait que le PV est rentable dans le bâtit neuf, la progression pourrait encore plus accélérer.