La plupart des critiques concernent le facteur de capacité et le crédit de capacité des éoliennes.
En ce qui concerne le premier, les faits sont pourtant têtus: le facteur de capacité des éoliennes récentes est bien plus élevé que celui des plus anciennes, bien qu’elles soient souvent installées dans des endroits moins favorisés, comme le montre l’exemple américain. Pourquoi? Parce qu’à partir de 2013 on a installé des éoliennes avec une plus grande surface balayée pour la même puissance électrique dans des endroits mieux ventés que ceux pour lesquels ces nouvelles éoliennes « low wind speed » avaient été initialement conçues… mais quand même moins bien ventés que ceux où on installait les éoliennes en 2005 comme le montrent les graphes publiés par Wyser and Bolinger. En 2014, la zone est moins favorable qu’en 1988-2001 mais le facteur de capacité des installations est passé de 25% à 40%.
Pour être tout à fait précis, comme il s’agit là des facteurs de capacités par année de mise en service constatés en 2015, le facteur de capacité des plus anciennes est donc légèrement inférieur, du fait de l’usure, à ce qu’il était à l’origine – de 1 à 2% comme on peut le déduire à la lecture des rapports plus anciens. L’amélioration reste spectaculaire, avec plus de 10 points de pourcentage en six ans, soit une augmentation relative de 35%. Le rapport le plus récent (2019) indique un facteur de capacité de 41,9% pour les éoliennes installées en 2018, sur des emplacements pourtant encore moins favorables qu’en 2014. Il ne s’agit bien sûr ici que d’éoliennes terrestres, bien sûr…
En ce qui concerne le crédit de capacité, certains pensent nous confondre en montrant des périodes (en général, l’été) où la production éolienne est nettement inférieure au 10% que nous avons suggéré comme possible crédit de capacité. Mais cela témoigne simplement d’une incompréhension: le crédit de capacité n’est pas la puissance garantie en tous temps, il est la puissance pilotable dont on peut faire l’économie en gardant le même critère de fiabilité du réseau (trois heures de coupures par an dues un déséquilibre offre-demande). Autrement dit, ce qui compte c’est la puissance effective constatée aux heures de pointe d’hiver.
Et le fait est… que le 24 janvier, très mauvaise journée, la production éolienne a été inférieure à 1000 MW toute l’après-midi et le soir, donc plus près de 5% que de 10% de la puissance totale installée (~16 GW). Est-ce par chance que la pointe de consommation ce soir-là ne fut que de 78 GW, très au-dessous des 102 GW sur lesquels nous avons basés nos calculs je ne saurais le dire. C’est bien pour cela que seule une étude de modélisation approfondie, dont RTE a les moyens, avec vingt ans ou plus d’historique de production et de demande mais qui devra également compter sur l’évolution technique (les éoliennes modernes démarrent avec des vents plus faibles, surtout si elles n’ont pas de boîte de vitesse) et l’évolution prévisible de la demande, permettra de calculer avec précision les crédits de capacité et donc dimensionner les stockages et capacités thermiques nécessaires, avec la marge de sécurité souhaitée, sans pour autant construire des capacités superflue. A supposer toutefois que nous prenions seulement 5% comme crédit de capacité quelle serait la conséquence? 3,5 GW de thermique en plus à construire soit 3,5 milliards à répartir sur 20 ans, un coût annuel de 350 millions pour « garantir » une production totale de 700 milliards de kWh, un surcoût d’un demi-millième d’euro par kWh.
« … le crédit de capacité n’est pas la puissance garantie en tous temps, il est la puissance pilotable dont on peut faire l’économie en gardant le même critère de fiabilité du réseau (trois heures de coupures par an dues à un déséquilibre offre-demande). Autrement dit, ce qui compte c’est la puissance effective constatée aux heures de pointe d’hiver. »
Cette notion de « crédit de capacité » (capacity value) est assez curieuse et n’a aucune relation avec les facteurs de charge horaire et quotidien de l’éolien qui peuvent être constatés pour un pays comme la France (données RTE). Aussi bien pour NREL que pour IEA (AIE), cette valeur varie selon les méthodes employées (statistique ou probabiliste), selon que seules les heures de pointe ou toutes les heures sont prises en compte, selon le seuil de défaillance pris en compte : une heure en dix ans ou 10% des heures annuelles. Les résultats sont ainsi très différents selon les pays. Les études montrent aussi que ce « crédit » diminue avec le taux de pénétration de l’éolien.
En ce qui concerne le facteur de charge de l’éolien en France, il a été de 23,0% en 2018, calculé et pondéré à partir des productions horaires et des capacités installées de chaque mois.
Le facteur de charge horaire a varié de 0,6% à 83,0%, celui journalier de 3,2% à 77,5%, celui mensuel de 10,6% en juillet à 39,7% en janvier, la valeur de janvier ayant cependant été très supérieures aux valeurs habituelles.
Le monotone de l’éolien (load duration curve) nous indique alors un facteur de charge inférieur à 10% pendant 2.350 heures et inférieur à 5% pendant 725 heures sur une année de 8.760 heures. Pour des jours entiers, il est inférieur à 10% pendant 83 jours et inférieur à 5% pendant 9 jours sur 365.
Si l’on se limite aux mois de « quasi-hiver » (de janvier à mars et novembre-décembre) et à la puissance aux trois heures de « quasi-pointe » (18h-19h-20h), le facteur de charge de l’éolien a été inférieur à 10% pendant 47 heures sur les 453 heures considérées.
Si l’on avait disposé d’une capacité éolienne constante tout au long de l’année de 14.000 MW (pour simplifier, de 13.500 à 15.100 en réalité), le rapport pour chaque heure entre la production éolienne et la consommation aurait varié entre 0,16% et 23,5% sur l’année. Dans le cas de la « quasi-pointe » précitée, ce rapport aurait varié entre 0,5% et 18,8%.
Ce rapport aurait été inférieur à 5% pendant 4.600 heures et inférieur à 2% pendant 1.400 heures sur 8.760 heures de l’année. Pour des jours entiers, il aurait été inférieur à 5% pendant 179 jours et inférieur à 2% pendant 31 jours sur 365.
Dans le cas de votre étude (se passer du nucléaire), la « charge résiduelle », consommation non pourvue par l’éolien (solaire absent le soir en hiver) devrait être comblée par l’hydraulique sous ses diverses formes et par le thermique. Une partie de celui-ci est « au fil de l’eau » si l’on peut dire : UVED (ex-UIOM), biogaz des méthaniseurs (hors injection réseau gaz), électricité de la cogénération renouvelable.
La décharge du stockage, batteries et STEP, comme l’hydraulique de lac ont des limites, tant en puissance qu’en durée. Lors de la vague de froid de février 2012, la consommation a dépassé 1,98 TWh par jour pendant 14 jours consécutifs. La puissance appelée a dépassé 90 GW pendant 19 heures consécutives le 08 février. L’hydraulique a pu atteindre 14,1 GW, sans connaître la part des lacs de retenue.
Quelle capacité thermique (gaz renouvelable) aurait été nécessaire en plus de l’hydraulique et du thermique déjà cité ? Le stockage aurait été mis à plat depuis longtemps et impossible à recharger.
Enfin, dans le cas d’une production renouvelable généralisée dans toute l’Europe, il serait prudent de ne pas trop compter sur les autres pays, qui auront bien souvent les mêmes faiblesse de vent aux mêmes périodes.
Etiez-vous en vacances ? Laissez-vous votre blog en sommeil ou êtes-vous inattentif aux commentaires qu’il suscite ?
Toujours est-il que je n’ai pas vu paraître le commentaire qui vous a été envoyé le 20 février. L’avez-vous bien reçu ?
Vous en trouverez une copie ci-dessous.
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« … le crédit de capacité n’est pas la puissance garantie en tous temps, il est la puissance pilotable dont on peut faire l’économie en gardant le même critère de fiabilité du réseau (trois heures de coupures par an dues à un déséquilibre offre-demande). Autrement dit, ce qui compte c’est la puissance effective constatée aux heures de pointe d’hiver. »
Cette notion de « crédit de capacité » (capacity value) est assez curieuse et n’a aucune relation avec les facteurs de charge horaire et quotidien de l’éolien qui peuvent être constatés pour un pays comme la France (données RTE). Aussi bien pour NREL que pour IEA (AIE), cette valeur varie selon les méthodes employées (statistique ou probabiliste), selon que seules les heures de pointe ou toutes les heures sont prises en compte, selon le seuil de défaillance pris en compte : une heure en dix ans ou 10% des heures annuelles. Les résultats sont ainsi très différents selon les pays. Les études montrent aussi que ce « crédit » diminue avec le taux de pénétration de l’éolien.
En ce qui concerne le facteur de charge de l’éolien en France, il a été de 23,0% en 2018, calculé et pondéré à partir des productions horaires et des capacités installées de chaque mois.
Le facteur de charge horaire a varié de 0,6% à 83,0%, celui journalier de 3,2% à 77,5%, celui mensuel de 10,6% en juillet à 39,7% en janvier, la valeur de janvier ayant cependant été très supérieures aux valeurs habituelles.
Le monotone de l’éolien (load duration curve) nous indique alors un facteur de charge inférieur à 10% pendant 2.350 heures et inférieur à 5% pendant 725 heures sur une année de 8.760 heures. Pour des jours entiers, il est inférieur à 10% pendant 83 jours et inférieur à 5% pendant 9 jours sur 365.
Si l’on se limite aux mois de « quasi-hiver » (de janvier à mars et novembre-décembre) et à la puissance aux trois heures de « quasi-pointe » (18h-19h-20h), le facteur de charge de l’éolien a été inférieur à 10% pendant 47 heures sur les 453 heures considérées.
Si l’on avait disposé d’une capacité éolienne constante tout au long de l’année de 14.000 MW (pour simplifier, de 13.500 à 15.100 en réalité), le rapport pour chaque heure entre la production éolienne et la consommation aurait varié entre 0,16% et 23,5% sur l’année. Dans le cas de la « quasi-pointe » précitée, ce rapport aurait varié entre 0,5% et 18,8%.
Ce rapport aurait été inférieur à 5% pendant 4.600 heures et inférieur à 2% pendant 1.400 heures sur 8.760 heures de l’année. Pour des jours entiers, il aurait été inférieur à 5% pendant 179 jours et inférieur à 2% pendant 31 jours sur 365.
Dans le cas de votre étude (se passer du nucléaire), la « charge résiduelle », consommation non pourvue par l’éolien (solaire absent le soir en hiver) devrait être comblée par l’hydraulique sous ses diverses formes et par le thermique. Une partie de celui-ci est « au fil de l’eau » si l’on peut dire : UVED (ex-UIOM), biogaz des méthaniseurs (hors injection réseau gaz), électricité de la cogénération renouvelable.
La décharge du stockage, batteries et STEP, comme l’hydraulique de lac ont des limites, tant en puissance qu’en durée. Lors de la vague de froid de février 2012, la consommation a dépassé 1,98 TWh par jour pendant 14 jours consécutifs. La puissance appelée a dépassé 90 GW pendant 19 heures consécutives le 08 février. L’hydraulique a pu atteindre 14,1 GW, sans connaître la part des lacs de retenue.
Quelle capacité thermique (gaz renouvelable) aurait été nécessaire en plus de l’hydraulique et du thermique déjà cité ? Le stockage aurait été mis à plat depuis longtemps et impossible à recharger.
Enfin, dans le cas d’une production renouvelable généralisée dans toute l’Europe, il serait prudent de ne pas trop compter sur les autres pays, qui auront bien souvent les mêmes faiblesse de vent aux mêmes périodes.