Le potentiel solaire et éolien du Maroc est considérable, et commence à être exploité. Le Maroc construit sa première centrale solaire thermodynamique et d’autres suivront. L’ouverture tant attendue des réseaux basse et moyenne tensions au photovoltaïque permettra d’optimiser ce déploiement: au PV la production diurne, au thermodynamique la production en soirée, aux heures de pointe de la consommation, en substitution au fioul. Qui ne sera plus subventionné.
Vendredi 31 octobre à Rabat, Maria van der Hoeven, Directrice exécutive de l’AIE, a rendu public un rapport sur la revue en profondeur de la politique énergétique du Maroc – une première pour l’Afrique du Nord et le Proche-Orient – en présence du Premier Ministre marocain Abdelilah Benkiran et du ministre chargé de l’énergie et de l’environnement Abdelkader Amara. Le développement des énergies renouvelables, mais aussi l’élimination des subventions à l’énergie, en constituent des morceaux de choix.
Le Maroc a lancé en 2009 un plan stratégique visant à équiper le pays de 2000 MW d’éolien, 2000 MW de solaire, et à porter la capacité hydroélectrique à 2000 MW. Ce qui n’empêche pas la construction de centrales à charbon, car le pays est confronté à une augmentation très rapide de la consommation d’électricité. Mais on peut raisonnablement espérer que ce seront les dernières. Le programme éolien est en bonne voie, avec plus de 600 MW déjà raccordés. Le programme solaire est moins avancé, mais la première tranche de 160 MW de solaire thermodynamique est en construction à Ouarzazate, et deux autres tranches de 200 et 150 MW seront prochainement attribuées à l’issue d’un appel d’offres aux développeurs.
Pourtant, l’évolution du paysage technologique conduit inéluctablement à modifier le développement du solaire au Maroc – et c’est précisément l’une des recommandations de l’AIE. Le PV est désormais nettement moins cher que le thermodynamique, et peut se développer plus rapidement, et à toutes les échelles, depuis le petit système individuel jusqu’à la grande centrale au sol. Ouvrir les réseaux moyenne et basse tensions aux producteurs PV de toutes tailles devrait accélérer sérieusement le déploiement du solaire au Maroc – et conduire à repenser le rôle du thermodynamique et de son stockage thermique, et in fine la conception et la conduite des centrales solaires.
Il s’agit moins aujourd’hui de réduire (un peu) le coût du kWh en faisant tourner les turbines le plus longtemps possible, mais plutôt de déplacer la production aux heures de pointe du soir, c’est-à-dire qu’en hiver au moins, quand l’énergie disponible n’est que 60% de celle disponible en été, les centrales solaires devraient démarrer au coucher du soleil, et produire pendant les cinq heures de la pointe du soir. C’est ainsi que l’investissement dans ces centrales sera le mieux justifié, car leur électricité permettra de réduire d’autant la génération d’électricité de pointe dans des centrales à fioul, importé par le Maroc à grand frais.
Et précisément, le ministre Marocain a profité de l’occasion offerte par le lancement de ce rapport pour annoncer – pour la première fois publiquement semble-t-il – « la mise en place des bases juridiques et réglementaires pour la démocratisation de l’utilisation à grande échelle du photovoltaïque connecté au réseau basse tension ».
L’autre grand thème est celui de la « décompensation », c’est-à-dire la fin des subventions aux énergies fossiles. Au cours des deux ans qu’a duré l’étude de l’AIE, le Maroc a cessé de subventionner le supercarburant, réduit la subvention au diesel, puis supprimer les subventions au fioul lourd pour l’industrie, et au fiouls utilisés pour la production électrique. Cette dernière opération s’effectue dans le cadre d’un contrat de programme avec l’Office National de l’Eau et de l’Electricité. Celui-ci comprend certes une temporaire subvention d’équilibre – en dernière analyse une subvention à l’électricité – mais au moins le Maroc a cessé de subventionner l’usage des combustibles importés les plus coûteux.
Reste le problème le plus difficile, celui des bouteilles de butane, utilisé par de très nombreux ménages pour la cuisine, voire l’eau chaude. La subvention, à plus des deux-tiers du coût, est massivement détourné par des usages productifs dans l’agriculture, le commerce, la petite industrie, et seulement une faible fraction atteint sa cible – les ménages à faibles revenus. Le coût pour les finances publiques est considérable mais supprimer, même progressivement, cette subvention suppose de développer simultanément des alternatives énergétiques – par exemple pour les ménages les chauffe-eau solaires, sous-développés au Maroc; et le photovoltaïque pour le pompage d’eau pour l’agriculture – ainsi que des formules alternatives de soutien au revenu des plus pauvres – du type soutien direct au revenu. Abdelkader Amara en a l’intention, il l’a répété devant la presse, mais les détails restent à élaborer. A suivre, donc…