Le ministère sud-africain de l’énergie vient de publier la liste des projets ayant remporté l’appel d’offres lancé l’été dernier, intitulé « Réduction du risque » » (Risk Mitigation) dans le cadre de son programme pour les producteurs d’électricité indépendants. Cet appel visait la création de capacités « de pointe » de 50 à 450 mégawatts (MW), pour un total de 2000 MW, en mettant aux enchères des contrats d’achats d’électricité sur 20 ans par la compagnie publique Eskom.
Principale exigence : l’électricité doit pouvoir être fournie à la demande entre 5 h et 21h30 afin de réduire rapidement le risque de ces coupures tournantes d’électricité dont souffre le pays, en sous-capacité chronique. Le charbon et le diesel étant exclus, les enchères étaient ouvertes aux autres technologies, mais sous la condition d’une connexion au réseau en août 2022. Les producteurs indépendants pouvaient regrouper dans leurs offres du soleil, du vent, du stockage, et du gaz, sur un ou plusieurs sites mais avec une offre de prix unique pour l’ensemble.
Le gaz naturel est le grand gagnant de cet appel d’offres, remportant les deux tiers des capacités demandées, avec des unités flottantes louées à la compagnie turque Karpowership, alimentées par des unités également flottantes de regazéification de gaz naturel liquéfié. Pas vraiment une surprise.
Cet appel d’offres dit « technologiquement agnostique » vient en complément des enchères à venir pour ajouter 4 800 MW d’éolien, 2 000 MW de solaire et 513 MW de batteries ainsi que 3 000 MW de gaz et, hélas, 1 500 MW de charbon. L’appel a visiblement été taillé pour des centrales à gaz : les enchérisseurs devaient s’engager à fournir une électricité pilotable et flexible de 5h à 21h30 tous les jours, toute l’année. Et ceci dès août 2022 : un bien court délai pour construire des centrales, ce qui explique le recours à des unités flottantes qu’il suffit de faire venir.
La surprise, car il y en a bien une, est que les énergies renouvelables ont su se glisser parmi les gagnants, souvent avec l’appui de batteries, et un renfort fossile assez minime, soit en capacité, soit… en utilisation prévue.
Bon, le projet Mulilo Total Coega associe 216 MW de photovoltaïque (PV) et un générateur diesel de 198 MW pour une puissance garantie de … 198 MW, on ne saluera pas l’exploit, mais on remarque malgré tout que le PV fournira d’importantes économies de fioul. Il s’agit du projet retenu le plus cher, à 10 centimes d’euro le kWh. D’autres sont plus intéressants.
Le projet Umyoilanga Energy développé par EDF Renouvelables associe 138 MW de PV, 77 MW d’éolien, 75 MW de batteries et 12 MW de gaz de pétrole liquéfié, pour une puissance garantie de 75 MW. Le projet Mulito Total Hydra garantit également 75 MW avec 216 MW de solaire, 150 MW de batteries et 20 MW de diesel. Également développé par EDF Renouvelables avec un partenaire du Cap (G7 Renouvelables), le surprenant projet Oya Energy garantit 128 MW avec 155 MW de PV, 82.5 MW d’éolien, 40 MW de batteries et… 106 MW de diesel. Enfin, le projet DAO du Saoudien ACWA Power associe 422 MW de PV, 150 MW de batterie et 15 MW de diesel – et c’est le moins cher de tous, avec un kilowattheure à 8,5 centimes d’euro.
Nicolas Rolland, directeur à G7 Renouvelables, nous a expliqué que l’incorporation de diesel dans leur offre était indispensable pour franchir avec succès l’épreuve de fiabilité préalable à la mise en service. Une épreuve plus exigeante (fournir à pleine puissance 16,5 heure par jour, 15 jours de suite) que le fonctionnement attendu. Mais son utilisation n’est pas prévue lors du fonctionnement de ce projet, grâce à la complémentarité du vent et du soleil, et aux 40 MW de batteries délivrables 4 heures durant.
Ce que montre ce succès inattendu des renouvelables dans cet appel d’offres, c’est d’abord que le vent et le soleil, avec des capacités généreusement dimensionnées, ainsi que les batteries qui les épaulent, sont devenues des énergies suffisamment peu coûteuses pour entrer en compétition avec les fossiles en vue de fournir une électricité pilotable – y compris en intégrant le coût d’appoints thermiques de dernier secours, pas forcément appelés à fonctionner. Ce succès montre aussi que les renouvelables peuvent être déployées extrêmement rapidement, ce qui n’est pas le moindre de leurs atouts. Mais bien sûr, la preuve n’en sera définitivement apportée que lors de la mise en œuvre de ces projets. Le premier rendez-vous étant celui du bouclage des tours de table financiers, attendus cet été.