Revenons un instant sur le cri d’alarme des énergéticiens européens. Ils se plaignent de ce que leurs centrales thermiques ne tournent plus assez, et accusent l’essor des renouvelables d’en être la cause. En réalité, la diminution du recours aux centrales a de multiples causes: la crise économique et financière, l’arrivée sur le marché européen de charbon américain bon marché suite à l’essor du gaz de schiste outre-Atlantique, et, oui, la montée en puissance des renouvelables.
Tout indique pourtant que cela ne va pas durer, et que les centrales à gaz vont retrouver toute leur utilité avant peu. D’abord parce que la nouvelle réglementation européenne sur les grandes installations de combustion va bientôt entraîner la fermeture de nombreuses centrales à charbon, trop fatiguées pour être mises aux nouvelles normes. Ensuite, parce que… l’essor des renouvelables va se poursuivre!
Expliquons-nous. Les renouvelables qui augmentent en Europe, ce sont surtout l’éolien et le photovoltaïque. Aux premières étapes de leur développement, ces énergies tendent à déplacer les centrales de « mid-merit », celles qui sont rentabilisés sur quelques centaines, voire milliers d’heures par an – typiquement, les centrales à gaz, qui coûtent peu cher en investissement mais assez cher en combustible. Ce sont elles que les renouvelables « variables », le vent et le solaire (PV) déplacent d’abord.
Mais si l’éolien et le solaire continuent de se développer, ce sont les centrales qui fonctionnent « en base » – disons, plus de cinq mille heures par an – qui seront touchées. Le photovoltaïque, surtout, fortement concentré sur les heures de milieu de journée, pose un véritable problème à ce type de centrale. Et donc, on aura progressivement besoin de moins de centrales de ce type – charbon ou nucléaire. En revanche, les centrales à gaz, techniquement plus « flexibles » – plus faciles à arrêter et redémarrer, à faire fonctionner à faible capacité, capables de montées en puissance ou « descentes » rapides – retrouveront toute leur utilité. Et surtout, leur avantage compétitif, puisqu’elles peuvent être rentabilisées sur des durées plus courtes que les centrales faites pour la « base ».
Autrement dit, ceux qui ont investi dans des centrales à gaz aujourd’hui sous-employées n’ont pas une mais deux issues possibles: revenir en arrière, ou accélérer la transition vers les renouvelables.
Quel dommage d’en voir neuf, et non des moindres, faire le mauvais choix!