Menacés l’un et l’autre par la concurrence du PV « ordinaire », sans concentration, le PV à concentration et le solaire thermodynamique pourraient trouver leur salut et leur avenir dans une fusion intégrale – des centrales utilisant la totalité du spectre solaire avec une très bonne efficacité, avec une moitié de l’électricité (PV) produite au fil du soleil, et une moitié produite à la demande après stockage de la chaleur recueillie. Les Etats-Unis ont mis 30 millions de dollars dans un programme sur ce thème, et pourraient détenir les clés de l’avenir.
Le photovoltaïque est très efficace sur certaines longueurs d’onde du rayonnement solaire, et nul sur d’autres, d’où une efficacité totale moyenne. Mais les rayonnements non utilisés, et d’autres pertes, peuvent être récupérées sous forme de chaleur. D’où l’idée de combiner PV et CSP: l’énergie qui n’est pas transformée directement en électricité pourrait l’être en passant par une phase thermique – laquelle permet, via stockage de chaleur, de différer la production électrique au moment le plus opportun. Ainsi, une installation mixte, PV et thermodynamique, pourrait offrir une efficacité totale supérieure à ce que l’on peut obtenir avec l’une ou l’autre des techniques, avec en plus l’avantage qu’une part au moins de cette électricité serait parfaitement dispatchable.
On peut concevoir ce mixte de plusieurs façons. On peut d’abord songer à mettre un matériau photovoltaïque sur les miroirs. L’avantage est que l’on récupère aussi la lumière diffuse. Cependant, on se trouve a priori dans une zone de forte irradiation solaire directe, et le solaire thermodynamique nécessite de toutes façons un dispositif pointu et précis de suivi du soleil: autant s’en servir aussi pour le PV, et utiliser un matériau typique du photovoltaïque à concentration, d’une plus grande efficacité.
Où le mettre? On peut d’abord songer aux éventuels concentrateurs secondaires. On peut aussi diviser le faisceau lumineux concentré, et diriger les longueurs d’onde adéquates sur un récepteur photovoltaïque, éventuellement après reconcentration, et les autres sur le récepteur thermique. On peut enfin disposer le matériau PV directement sur le récepteur. Par exemple, s’il s’agit de tube métallique sous enveloppe de verre, on peut mettre un matériau PV transparent aux couleurs non absorbées à l’extérieur du verre, ce qui a l’avantage de le garder relativement froid. On peut aussi le mettre sur le tube lui-même, ce qui permet de récupérer non seulement les longueurs d’onde non utilisées mais aussi l’ensemble des pertes thermiques. Ce matériau n’a plus besoin d’être transparent, mais il lui faut alors soutenir la température du tube, suffisamment élevée pour que le cycle thermodynamique ait un rendement total acceptable. Il faut alors que la perte de rendement du PV reste elle-même acceptable – et que le matériau supporte cette chaleur sans se décomposer.
C’est le concept du « topping » présenté à Pékin lors de la Conférence SolarPACES 2014 par Howard Branz, animateur du programme Focus ( Full Spectrum Optimized Conversion and Utilization of Sunlight) de l’Agence de recherche sur les projets avancés du ministère de l’énergie des Etats-Unis. Le graphe ci-dessus montre comment, aux alentours de 400°C (température usuelle des centrales thermodynamiques à capteurs cylindro-paraboliques, on pourrait escompter une efficacité totale de 40% ou plus – avec un CPV dont l’efficacité serait réduite à 20% du fait de la température, et avec une efficacité thermodynamique de l’ordre de 20% également, un peu moins que dans les centrales actuelles puisqu’une part de l’énergie utilisée pour chauffer le fluide de transfert serait distraite puisque déjà évacuée sous forme d’électricité.
Le programme focus finance une douzaine de projets de recherche sur ce thème aux Etats-Unis, permettant d’évaluer les diverses formes que la fusion CPV-CSP pourrait prendre. De quoi relancer l’intérêt pour la concentration dans les zones propices. En effet, sans partie thermodynamique, le CPV fournit la même électricité – même profil temporel – que le PV sans concentration, mais peine à le faire pour un prix compétitif. Le CSP fournit une électricité qui peut être de plus grande valeur car ferme et dispatchable, mais doit aussi réduire ses coûts. La fusion des deux concepts pourrait y contribuer puissamment. A quand un programme de recherche sur ce thème en Europe?
C’est ce que préconisait Maurice TOUCHAIS dans son dernier livre paru en 1982 ! Il y a trente ans ! Mais la chaleur issue des photopiles, avec ou sans concentration, était récupérée et valorisée.
Il ne semble pas que les milliers de dollars dépensés pendant ce délai permettent à ce jour d’arriver au niveau de la solution globale proposée par ce chercheur, qui vraisemblablement permettait en rendement global compris entre 35 et 50% !