Le texte adopté samedi à Varsovie, à la Conférence sur les changements climatiques, appelle les Etats à préparer des «contributions sans préjuger de leur nature légale» pour 2015. Cette formulation, selon le ministre français du Développement Pascal Canfin que rapporte Libération, n’est pas «moins forte qu’un engagement».
Bon, tout dépend de ce qu’on désigne par « la force » d’une formulation. Un… engagement, ou une contribution, ou un objectif, enfin, comme on voudra l’appeler, a deux caractéristiques principales, qui peuvent l’une et l’autre être qualifiées de « force »: sa nature plus ou moins contraignante; et l’ambition qu’elle affiche.
Le problème, c’est que, s’agissant d’objectifs négociés, donc acceptés par les pays qui en sont l’objet, plus la nature de la contrainte est forte, et moins l’ambition sera élevée; à l’inverse, plus l’ambition est grande, et moins la contrainte sera forte. Tout simplement parce que très nombreux pays ne sont pas disposés à accepter de s’engager à réduire significativement leurs émissions de gaz à effet de serre alors qu’ils ne sont pas sûrs de savoir comment faire, sauf à prendre des risques économiques considérables.
Mais le risque climatique n’est-il pas également considérable, direz-vous? Si bien sûr. Mais c’est un problème cumulatif et de long terme. Cela ne veut pas dire qu’on peut remettre l’action au lendemain, bien au contraire: plus le changement est long et difficile et plus il faut commencer tôt. Et l’incertitude est grande sur la croissance, son intensité énergétique, le contenu en carbone du mix énergétique, l’évolution du coût et le rythme de diffusion des technologies, des infrastructures et des changements de comportement nécessaires. Dans ces conditions, vouloir à tout prix atteindre un niveau précis d’émissions une année donnée n’a guère de sens, et les négociateurs de nombreux pays sont parfaitement rationnels à s’y refuser.
Une contrainte très forte, où l’on stipulerait (c’est juste pour illustrer mon propos….) que celui qui dépasse ses émissions autorisées, se verrait appliquer des sanctions militaires, ne serait acceptable qu’avec un engagement d’émissions trés élevées, sans aucune réduction à la clé… A l’inverse, un engagement très ambitieux (je caricature encore), de supprimer toutes émisssions de gaz à effet de serre en cinq ans, ne pourrait aller de pair qu’avec un engagement purement déclaratif, sans aucune sanction d’aucune sorte… et il va de soi qu’un engagement aussi irréaliste serait abandonné avant que l’encre n’en soit sèche. Dans ces deux exemples extrêmes, d’ailleurs, bien que pour des raisons différentes, il serait impossible de prétendre construire quelque mécanisme de flexibilité que ce soit, genre échange mondial de permis d’émissions, tant serait évident le risque de « hot air », de permis fictifs, d’échange de papiers sans valeur.
Bref, tout « engagement » ou toute « contribution » négociée éventuellement efficace ne peut que témoigner d’un compromis entre sa force juridique et son degré d’ambition. Une contribution dont le caractère légal n’est pas précisé aura certainement une force juridique moindre qu’un engagement au sens de Kyoto (encore que la menace de sanctions ne semble pas avoir suffi à contraindre tous les pays à respecter leurs engagements). Mais elle sera peut-être plus « forte » en terme d’ambition. Certains pays qui n’ont aucun engagement dans le cadre du protocole de Kyoto ont cependant conduit beaucoup d’actions efficaces pour limiter leurs émissions, par exemple dans le développement des énergies renouvelables.
C’est sûrement cela que Pascal Canfin a voulu dire, non?