PPE ou PPI? Programmation pluriannuelle des investissements, ou programmation pluriannuelle de l’énergie? Là où l’on attendait que cette dernière – la PPE – mette enfin en musique la loi sur la transition énergétique en programmant la montée en puissance des énergies renouvelables et la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité, on n’aura semble-t-il qu’un arrêté modifiant l’ancienne PPI pour donner de la visibilité à court terme aux investissements dans les renouvelables. Que faut-il en penser?
Programmée, puis repoussée, puis finalement déprogrammée, la … PP de l’énergie devait être la traduction concrète, à court terme, des objectifs de la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique, définissant tout à la fois les investissements à venir en matière d’énergies renouvelables, et la trajectoire de réduction de la production – et donc à priori des capacités – nucléaires. Au lieu de cela, on apprenait mercredi dernier l’envoi au Conseil supérieur de l’énergie d’un projet d’arrêté modifiant à nouveau le décret de la PP Investissements de 2009 – signé par Jean-Louis Borloo le 15 décembre à Copenhague, donc au lendemain de la COP infructueuse… déjà modifié le 28 août dernier pour, dans l’urgence, donner une base juridique aux appels d’offre solaires alors que l’objectif initial de 5400 MW était déjà dépassé en portant ce dernier à 8000 MW.
Le projet de décret, donc, porte cette fois l’objectif solaire à 10 200 MW à fin 2018, et entre 18 200 et 20 200 MW à fin 2023. Je m’étais permis sur ce blog de suggérer modestement 20 à 25 GW en 2020, on n’en est plus très loin. L’objectif éolien terrestre, initialement fixé à 25 000 MW à fin 2020, est légèrement réduit, à 14 300 MW à fin 2018 et entre 21 800 et 23 300 MW à fin 2023. L’éolien maritime « posé » est repoussé de 3 ans, à 500 MW en 2018 et 3000 MW (valeur initiale pour 2020) à fin 2023. Tout ceci semble assez réaliste.
Alors certes, l’excellent Arnaud Gossement a beau jeu de souligner les différences entre PPI et PPE: La PPE se distingue de la PPI par ses études préalables, par ses conditions d’élaboration, par son contenu beaucoup plus complet et par le dispositif de contrôle et de révision de son contenu. Faut-il pour autant conclure avec lui que « si le projet d’arrêté devait être maintenu et donc le retour à la PPI confirmé, cela constituerait une mauvaise nouvelle pour la transition énergétique » ? Faut-il avec le RAC et le Cler proclamer que « sans orientations sur l’évolution de la consommation et sur les autres sources de production, le nucléaire et les énergies fossiles, les objectifs d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique resteront des voeux pieux« ? Je n’en suis pas convaincu.
Regardons en face ce qu’il se passe. Ce gouvernement ne se résout pas, à un an d’une élection présidentielle à traduire en acte sa volonté de ramener le nucléaire à 50% du mix électrique, et donc à arrêter ou programmer l’arrêt de quelques centrales. Mais il ne veut pas non plus faire de peine aux écologistes, et a peut-être même perçu quelques uns des enjeux, industriels notamment, liés au développement mondial des renouvelables. Dans cette situation, il est incapable de produire une PPE telle que la loi qu’il a lui-même fait adopter la définit. Il ne peut autoriser à sa ministre de l’énergie que des engagements sur les renouvelables. Et celle-ci a bien raison de le faire.
Ce qui importe pour les opérateurs, c’est de la visibilité à court et moyen terme. Certes un autre gouvernement peut défaire la loi de transition énergétique, affirmer un soutien plus ferme au nucléaire. Je doute qu’il démolira les appels d’offres pour les renouvelables qui ne tombent plus sous le coup de la critique au temps du moratoire de coûter nettement plus cher, car elles coutent désormais moins cher. Et les doses raisonnables prévues sont celles qui ne menacent en rien l’équilibre du réseau.
En revanche, au fur et à mesure de leur développement, les renouvelables, au coût marginal très faible, font chuter les prix de marché par effet d’ordre de mérite. Les exigences de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, débarrassée d’un chantage à la pénurie, obligeront un opérateur historique de plus en plus en difficulté financière, à faire lui-même les choix auquel le gouvernement répugne, oublieux qu’il est de la leçon de Pierre Mendès-France (« Gouverner, c’est choisir »): « Telle centrale, j’investis pour la prolonger, telle autre, je la ferme car ce serait trop coûteux ». Et ainsi les renouvelables se tailleront elles-mêmes la place qu’elles méritent.
Bref, sur cette histoire, je suis plutôt de l’avis de Denis Baupin, et plutôt que de voir le verre vide ou même à moitié vide, j’incline à le voir à moitié plein.