Il paraît que ce que j’ai pu dire à Bruxelles début septembre au cours d’un dîner débat sur la sécurité énergétique organisé par Eurofores, l’association que préside l’excellent eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes, en a surpris, voire choqué plus d’un. Mais voici l’objet du délit – ce graphe qui montre divers mix de charbon, gaz et renouvelables ayant exactement les mêmes émissions de CO2 par kWh :
Avec les mêmes émissions que le gaz naturel, on peut donc faire de l’électricité avec un mix de renouvelables pour une grosse moitié, de charbon pour une petite moitié. C’est un fait.
Or il se trouve que l’Europe a adopté des objectifs d’émissions fixes. Ce n’était pas forcément la meilleure option, mais c’est comme ça. Dans ce contexte, quelle option est préférable du point de vue de la sécurité énergétique? Evidemment un mélange, avec le plus possible de renouvelables, presque toujours d’origine locale… et de charbon, moins à risque que le gaz du fait de son abondance et de la diversité des fournisseurs.
D’où ce constat surprenant: l’essor des renouvelables génère un double bénéfice pour la sécurité énergétique européenne: direct, en réduisant les importations fossiles de toutes natures, et indirect, parce qu’en réduisant fortement les émissions de CO2 les renouvelables permettent, toujours à émissions égales, de conserver plus de charbon dans le mix.
Et en tout cas, dans la situation de dépendance de l’Europe à l’égard de son principal fournisseur de gaz naturel, il n’est pas inutile, tant que les renouvelables n’ont pas – pas encore – pris une part dominante dans la production d’électricité, de conserver au moins une certaine capacité à faire de l’électricité avec le charbon, même si on n’utilise pas cette capacité à plein régime.
Maintenant, supposons que l’on ait rempli nos objectifs d’émissions en substituant du gaz naturel au charbon, sans la politique de soutien spécifique aux renouvelables. La sécurité énergétique de l’Europe serait bien moindre – toujours pour des émissions comparables. Et pour l’avenir, la capacité de l’Europe (et celle du monde) à réduire davantage ses émissions serait bien moins bonne, car on n’aurait pas, en réduisant leur coût par effets d’échelle et d’apprentissage, débloqué le potentiel de réduction des émissions des renouvelables.
Choquant? Je comprends. Mais je persiste et signe.