« Je baisse, j’éteins, je décale »

Je reproduis ici mon éditorial du Journal de l’Eolien n°57, publié en mars 2025.

Cette fois c’est officiel : notre bon vieux système « heures pleines/heures creuses » va être enfin
réformé. La Commission de régulation de l’énergie l’a annoncé : entre novembre 2025 et décembre 2027 – hâtons-nous lentement – des millions de consommateurs verront apparaître trois heures creuses en milieu de journée, et leurs huit heures creuses de nuit réduites à cinq. D’autres, qui ont déjà des heures creuses de jour, mais pas au bon moment, les verront déplacées vers le milieu de la journée 1. Cette mini-réforme sera pour beaucoup le signal tangible que quelque chose a changé dans la production d’électricité : une contribution croissante de l’énergie… photovoltaïque, surtout forte en milieu de journée… « Mais dis donc, Coco, tu te trompes de journal, me direz-vous. Ici, c’est le Journal de l’éolien ! Qu’a à voir cette réforme avec l’éolien ? » C’est justement là que je veux en venir. Pour intégrer davantage d’éolien, les recettes ne sont pas les mêmes que pour intégrer davantage de solaire. Parce que la variabilité est différente. Celle du solaire est à l’échelle de la journée. Le jour il fait soleil, la nuit non. Les heures creuses de jour, c’est pour absorber plus de solaire.

L’éolien, c’est autre chose. Il peut souffler fort pendant des jours, puis se calmer pendant des jours. L’éolien, c’est à l’échelle de la quinzaine. Prévisible, oui, mais seulement quelques jours à l’avance. Avant l’irruption des renouvelables variables, les pointes de consommation étaient uniquement liées aux grands froids. Les radiateurs électriques, nombreux en France, tournaient à plein. Maintenant, et ce sera de plus en plus le cas, ce sont les pannes de vent, à l’automne et en hiver, qui déterminent la taille (et l’emploi) des centrales thermiques de « back-up ».

Pour gérer ces appels de puissance en stimulant la flexibilité de la consommation, il existe une autre option tarifaire, le tarif « tempo », anciennement « effacement jours de pointe ». Pendant vingt-deux jours par an, en semaine, connus seulement la veille, le tarif du kWh grimpe fortement pendant les heures pleines. Mais ce tarif reste méconnu et compte à peine plus de 600 000 souscripteurs. Qui plus est, alors que les tarifs d’électricité baissaient de 15 % au 1er février, le tarif Tempo ne baissait que de 3 %, comme s’il fallait dissuader les consommateurs de le choisir. Pourtant, un tarif « tempo » amélioré – avec quelques heures creuses en milieu de journée, le solaire volant au secours de l’éolien – devrait devenir l’option par défaut. Car c’est
le meilleur moyen de réduire les « moyens de pointe », comme les turbines à combustibles, le gaz ou le fioul qui vont avec. Bref, de faire des économies et de réduire encore l’empreinte carbone du système électrique.

Drôle de pays : nous répugnons à développer les moyens les moins coûteux de produire de l’énergie décarbonée, comme les grandes centrales solaires au sol et les éoliennes terrestres. Nous développons des marchés sophistiqués pour permettre aux éoliennes de participer aux mécanismes de flexibilité à la production – c’est l’un des plus étonnants reportages de ce numéro. Mais nous ne mettons pas vraiment en place les moyens d’inciter les consommateurs à jouer tout leur rôle. Le gouvernement nous susurre de doux slogans à l’oreille – « Je baisse, j’éteins, je décale » – mais s’en tient là et ne crée pas de véritable incitation. Et nous nous plaignons que les industriels désertent le pays parce que l’énergie y est trop chère…

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