De très, très loin, la plus grande centrale solaire « thermique » au monde – ne produisant pas d’électricité mais de la vapeur industrielle – surgira bientôt du désert d’Oman. Mirrah (miroirs en arabe) sera vingt à quarante fois plus puissante que les plus grandes installations solaires thermiques existantes. Et servira à … faciliter l’extraction de pétrole.
Le sultanat d’Oman a certes un bon ensoleillement direct, mais des vents violents, souvent chargés de sable et de poussière. Une start-up californienne, Glasspoint, a développé une technologie bien adaptée à ce climat rude, typique du Golfe persique: des capteurs cylindro-paraboliques avec génération directe de vapeur, protégés par une serre vitrée.
La technologie a fait ses preuves – une installation de 7 MW (thermique) fonctionne à Oman depuis 2013. La serre protège du sable et de la poussière, et de la force des vents : les miroirs cylindro-paraboliques sont jusqu’à dix fois plus légers que ceux qui sont exposés aux vents, ils peuvent du coup tourner autour de tubes receveurs fixes, ce qui simplifie beaucoup la collecte de la vapeur. La performance optique n’est pas dégradée par la déformation des miroirs quand le vent souffle fort. L’atmosphère de la serre est en légère surpression, interdisant l’entrée au sable. L’essentiel de l’énergie solaire entre par la toiture, déjà moins soumise à la poussière du fait de sa hauteur. Le nettoyage est grandement simplifié – des robots nettoient intégralement le toit durant la nuit , restaurant chaque matin la performance optique maximale.
Le saut de puissance peut paraître gigantesque – de 7 à 1021 mégawatt – mais il s’agit simplement d’une juxtaposition: l’extrapolation est linéaire avec les systèmes à concentration linéaire, ce qui n’est bien sûr pas le cas des tours.
A quoi peut-on comparer cette installation – en taille ou en puissance? En 2011, l’installation solaire thermique la plus grande fut installée sur un campus universitaire (exclusivement féminin) à Riyad: 36 000 m2 de capteurs, 25 MT(th). En 2013 l’industrie succédait au secteur bâtiment: un nouveau record était établi pour une mine de cuivre dans le désert d’Atacama au Chili: 39 000 m2, 27 MW(th) – un fournisseur danois succédant à un autrichien. Mais dès l’année suivante la palme repassait au secteur du bâtiment, avec une installation de 37 MW (th) sur le réseau de chaleur (avec stockage) de Vojens, au Danemark, récemment augmentée à 49 MW et 70 000 m2 de capteurs.
Tous ces records seront pulvérisés d’un coup avec Mirrah, son gigawatt de puissance thermique, et ses 3 millions de mètres carrés de superficie totale, recouverte de capteurs à 96%. On peut toutefois comparer cette installation avec certaines centrales solaires électriques récentes aux Etats-Unis:
- Solana en Arizona, 250 MW électrique avec 6 heures de stockage, ses 2,2 millions de mètres carrés de capteurs cylindro-paraboliques, et ses 7,8 kilomètres carrés de superficie totale (derrière le gars casqué sur la photo);
- Ivanpah en Californie, ses trois tours, ses 2,2 millions de mètres carrés d’héliostats, 377 MW de puissance électrique soit à peu près 1,3 GW de puissance thermique.
Bon, votre bloggeur favori a gardé le meilleur pour la fin. A quelle utilisation industrielle Mirrah est-elle destinée? Voyons, que peut-on bien faire à Oman – du pétrole, bien sûr! La vapeur produite par Mirrah – 6000 tonnes par jour – sera injectée dans les puits de pétrole pour en augmenter le taux de récupération – ce que les pétroliers nomment « Enhanced oil recovery operations ».
Choquant? Le recours au solaire permettra d’éviter de brûler 80% du gaz naturel actuellement utilisé sur le champ pétrolier d’Amal à Oman (la récupération assistée est peu sensible aux variations quotidiennes d’injection, ce qui minimise les appoints nécessaires). Il économisera chaque année 1600 GW(th) de gaz naturel, ou 5600 milliards de Btu, évitant l’émission à l’atmosphère de 300 000 tonnes de CO2. Il est compétitif au prix actuel du gaz naturel au Proche-Orient – mais le projet, s’il réduira marginalement les coûts d’extraction du pétrole à Oman, n’aura aucune influence sur le prix mondial du pétrole. Alors non, ne boudons pas notre plaisir, la stabilisation du climat ne requiert pas la fin du pétrole (plutôt celle du charbon), et mieux on exploitera les réserves conventionnelles moins on aura besoin de pétrole de roche, de schistes bitumineux et autres pétroles extra-lourds ou extra-profonds – bref, plus polluants et plus risqués.
Bonsoir,
Votre article est intéressant.
Merci.
De jours en jours, je découvre que la Norvège a un immense potentiel de production par les ‘ENR
(STEP HYDRO + EOLIEN).
Comment faire à mon humble niveau pour inciter les Norvégiens à développer ces 2 familles d’Energies Renouvelables,
En utilisant le potentiel de ces 2 types d’énergie, les Norvégiens feraient encore baisser les prix de l’électricité en Europe.
Très Intéressant pour la compétitivité de nos industries (et pour l’emploi) mais dramatique pour les mastodontes énergiques (Enel, RWE, Centrica, Engie, EDF..).
Que pensez vous de ce paradoxe ?
Merci d’avance de votre réponse