Vous connaissez Bill Gates, Steve Jobs, Larry Paige, Mark Zuckerberg… et bien sûr Elon Musk, qui est de la même trempe. Hier, il a acheté, via la société SolarCity qu’il contrôle, une petite boîte de cellules PV, Silevo, qui dispose d’une capacité de production de 32 MW à Hangzhou, en Chine. Et il a annoncé son projet de construire une usine de modules aux Etats Unis d’une capacité de 1 GW/an d’ici deux ans…. et peut-être 10 GW par la suite. Ce qui n’est pas sans évoquer sa « giga-factory » de batteries…
Certains semblent un peu sceptiques, comme les analystes de Bloomberg New Energy Finance. Il est vrai que le secteur a plutôt surinvesti, et reste en surcapacités. Pourtant, Elon Musk a un itinéraire qui incite à y regarder de plus près. Il a inventé Paypal, puis s’est lancé dans… le lancement privé de satellites, habituellement chasse gardée des Etats, ensuite dans la voiture électrique de luxe, la Tesla, celle qui peut rouler vite ou longtemps (mais pas les deux, attention…), coqueluche des golden boys à l’âme verte qui pèse plus en bourse que PSA, avant d’investir dans SolarCity, qui pose des toits solaires sur les maisons californiennes en tiers-payant. Bluffant, donc, mais pas forcément du bluff. On aime ou on n’aime pas ces réalisations, mais elles sont toutes remarquables.
Dans le brouillon de l’édition 2014 de la feuille de route technologie de l’AIE pour le solaire PV, dont le lancement est prévu pour le 16 septembre, nous faisons deux remarques. La première, c’est que l’avenir de la technologie PV pourrait bien résider dans l’alliance du silicium cristallin et des couches minces – le mariage des deux dans des cellules multi-couches permettant d’atteindre des rendements hors d’atteinte par le silicium seul. C’est justement ce que fait Silevo, qui commercialise des modules de rendement 18,5%, moins certes que les modules SunPower (21%), autant que les hétérojonctions de Sanyo/Panasonic, et plus que la plupart des fabricants, qui sont en moyenne à 16,3% pour le silicium monocristallin (le meilleur). Surtout, ce pourrait être la formule d’avenir parce que ces modules pourraient être produits grosso modo au même coût que ceux dont les performances sont plus faibles, c’est-à-dire nettement moins chers que leurs compétiteurs plus performants, sans parler bien sûr des multicouches actuels, hors de prix et qu’on n’utilise en fait que dans les systèmes PV à concentration (et peut-être, sans concentration, sur les drones militaires). Par ailleurs, les modules Silevo seraient moins sensibles à la chaleur que les modules classiques (c’est généralement vrai des couches minces), et auraient donc un ratio de performance supérieur en conditions réelles – surtout là où (et quand) il fait chaud.
La deuxième remarque, c’est que la concentration de la production des modules PV en Asie n’est pas une fatalité. Le coût du travail n’est pas un véritable problème pour cette industrie – le coût de l’énergie compte au moins autant, et celui du capital bien davantage. La différenciation par l’excellence des produits, à condition de savoir aussi jouer des économies d’échelle et de voir grand, peut permettre un développement mieux réparti sur la planète des usines produisant les systèmes PV.
Sur ces deux points, le pari d’Elon Musk illustre ces résultats assez essentiels de notre travail en cours. Mais voilà: on pensait apporter fièrement ces résultats à nos lecteurs, et voilà qu’ils les mettent déjà en pratique. On ne publie jamais assez vite, quand il s’agit de photovoltaïque… Mais bon, qui sait, il se pourrait que tout le monde de l’énergie, notamment en Europe ne soit pas encore parvenu aux mêmes conclusions qu’Elon Musk… et nous!
Or, si l’on peut innover et investir dans la production en masse de modules PV très performants et abordables à New York, ne peut-on pas le faire aussi en Europe?