J’en rêve depuis 5 ans… Siemens l’a testé: on pourrait alimenter en électricité sur autoroute des camions hybrides – dotés d’un moteur thermique et d’une chaîne de traction électrique.
Ce pourrait même être la seule option réellement disponible pour réduire la consommation d’énergie fossiles et les émissions de CO2 des camions lors de trajets trop longs pour les seuls batteries, trop courts pour justifier le passage au ferroutage, et trop « constants » pour que l’hybridation réduise vraiment la consommation. Ci-dessous une note que j’ai écrite sur le sujet il y a cinq ans, légèrement révisée en 2009. Et les pages explicatives de Siemens.
Plug-in hybrids ou autoroutes électriques – le cas des poids lourds
La voiture hybride “plug-in” (raccordable), fonctionne en tout électrique, quotidiennement, sur batterie, tout en autorisant un fonctionnement en mode hybride, basé sur la consommation d’essence ou de gazole, pour des trajets plus longs. Il est intéressant de comparer ce concept avec celui en usage dans le monde ferroviaire, avec certaines locomotives diesels-électriques, celles dotées en outre d’un pantographe. Leur fonctionnement est presque exactement inverse – elles n’ont d’ailleurs pas de batteries électriques. Elles fonctionnent en tout électrique sur les lignes principales électrifiées, et en mode hybride en fin de parcours sur des lignes secondaires non électrifiées.
Peut-on transposer le concept ferroviaire sur route, ou tout du moins sur autoroute, voire mixer les deux concepts ? On pourrait imaginer de commencer par le problème des camions sur autoroute. L’autoroute ferroviaire, ou le transport combiné, sont des approches nécessaires qui supportent des coûts d’investissement élevés. Ces solutions s’imposent pour les trajets de plus de 500 km, mais peinent à s’imposer pour des trajets plus courts, les temps et coûts de chargement devenant pénalisants. A l’inverse, sur les trajets vraiment courts, on ne peut guère que chercher à améliorer l’efficacité énergétique des véhicules. Dans l’entre deux en revanche, il y a presque toujours une part de trajet sur autoroute : c’est celui-ci qui nous intéresse. En 2005, les véhicules lourds immatriculés en France on déplacé 53 milliards de tonnes-kilomètres lors de trajets de moins de 150 km, 67,9 milliards de t-km lors de trajets supérieurs à 500 km, et 84,3 milliards de t-km lors de trajets compris entre 150 et 500 km. La « cible » représente donc nettement plus de 40% des émissions de CO2 du fret routier – en particulier selon la fraction des trajets supérieurs à 500 km qui bascule sur le ferroutage.
On cherche ici à compléter plutôt qu’à supplanter, en tirant parti du fait que les constructeurs envisagent d’« hybridiser » les poids lourds, afin d’économiser jusqu’à 35% (Volvo) voire 50% (objectif de l’US DoE) de carburant. Une possibilité serait bien sûr d’utiliser les batteries pour circuler en ville. C’est une option intéressante pour réduire la pollution urbaine, mais les bénéfices en termes de CO2 seront faibles car ces camions font rarement des trajets quotidiens courts, les seuls qu’on peut alimenter par une recharge nocturne sur le réseau, et il faut un volume et un poids de batteries bien supérieurs que pour un mode seulement hybride.
Pourtant, dès lors que les camions seront équipés d’une chaîne de traction électrique, en plus de leur moteur à combustion interne, on pourrait envisager de les alimenter en continu par trolley, ou par induction, ou par un combiné caténaire et induction. Les lignes à équiper en priorité seraient les tronçons d’autoroute à fort trafic poids lourds, comme l’autoroute du Nord. Au-delà de ces tronçons, pour la desserte finale, les camions retourneraient au mode hybride.
Il y a là, comme souvent, le problème habituel de poules et d’œufs : il faut équiper les autoroutes de caténaires, et les camions hybrides de trolley et sans doute de convertisseurs de courants. On a supposé jusqu’ici que l’hybridisation des camions s’imposerait pour des questions d’efficacité, mais ce n’est pas garanti. On pourrait aussi concevoir que la possibilité de faire rouler ces camions à la peu coûteuse électricité du réseau sur de longs trajets constituerait en elle-même un encouragement à la transformation du parc. Il y aurait sans doute aussi une question de tarification à résoudre. Bien entendu, ces dispositifs sur autoroutes pourraient fonctionner avec des vitesses régulées et des systèmes de maintien d’écart entre véhicules, voire de guidage, cependant il faudrait que puissent se mêler dans la circulation véhicules avec et sans trolleys.
Le gain en CO2 sera bien sûr important dans les pays dont le mix électrique est peu carboné, encore qu’il puisse s’avérer nécessaire d’analyser le caractère marginal ou moyen du kWh mobilisé pour tirer les choses au clair. Il sera faible ou nul dans d’autres– mais il y aura toujours un gain de sécurité énergétique, par exemple dans tous les pays richement doté de charbon. Jusqu’où jour où, bien sûr, le CO2 des centrales à charbon sera capturé et stocké. 22/01/2008 Cédric Philibert (AIE) rev. 2009