Le vrai coût du PV

Où l’on montre que multiplier par cinq la base installée en solaire photovoltaïque en France ne coûterait que moitié moins que les engagements financiers pris pour les panneaux déjà installés… et, en faisant sortir l’électricité photovoltaïque de l’absolue marginalité où elle est aujourd’hui confinée, donnerait un sens réel aux efforts consentis!

Quand un certain nombre de gouvernements européens – et d’Etats ou Provinces Etats-Uniennes, canadiennes ou australiennes – ont décidé de mettre en place des politiques de développement précoce du solaire photovoltaïque malgré très prix dix fois plus élevés que ceux des sources concurrentes d’électricité, c’était avec une intention précise: en faire baisser le coût, très fortement, par les économies d’échelles et l’apprentissage technologique.

Et cela a marché, presque au-delà de toute espérance! Le prix des cellules et modules se situe aujourd’hui nettement au-dessous de la courbe d’expérience – en partie, mais en partie seulement, à cause de l’intense compétition dans une surcapacité mondiale, en partie du fait des aides dont ont pu bénéficier les producteurs chinois.

Quant au prix des systèmes complets, facteur dominant (avec, bien sûr, l’ensoleillement, et le loyer de l’argent) du prix de l’électricité photovoltaïque, au-delà de fortes variations régionales (surtout pour les petits systèmes, deux à trois fois plus cher au Japon et en Amérique qu’en Allemagne), il a été divisé par trois ou plus en cinq ans.

Et pourtant, alors même que le moment où l’on pourra enfin cueillir tous les fruits des efforts consentis, et disposer d’une source quasi-illimitée d’électricité propre à prix abordable (en réalité limitée par sa variabilité – on aura ici l’occasion d’y revenir souvent), voilà que nos décideurs mettent en panne le solaire dans divers pays – Espagne en tête, France aussi. En Espagne, il semble qu’on veuille désormais, en taxant l’autoproduction photovoltaïque, faire payer au solaire l’ensemble des erreurs – nombreuses, à commencer par la folie spéculative immobilière – qui ont mis les finances publiques – et celles des compagnies énergétiques – dans les difficultés qu’on connaît, déclenchant l’indignation de l’ami Rémi Parmentier. En France, les réformes tarifaires dites, d’urgence n’ont guère arrangé les choses depuis le moratoire de 2011, et le marché est actuellement en panne presque totale.

Il est vrai que le PV aujourd’hui pèse assez lourd sur la CSPE, pour une production d’électricité faible. Mais ça, c’est le passé.

L’avenir doit être imaginé sur la base des coûts auxquels on est parvenus aujourd’hui, et en faisant trois hypothèses. Première hypothèse, on accepte le superimposé, comme en Allemagne, l’intégré au bâti faisant l’objet de programmes de R&D préparant l’arrivée des bâtiments (neufs) à énergie positive. Deuxième hypothèse, une intensification du marché français permettra de rejoindre les coûts allemands en ce qui concerne les petits systèmes, les installateurs cessant d’être contraints de passer plus de temps pour se rendre d’un chantier à l’autre, que sur les chantiers eux-mêmes. Troisième hypothèse, d’importance marginale en fait, une petite partie de la production PV en 2020 est autoconsommée, la parité réseau étant atteinte sur certains segments de marché.

A partir de là, on peut se livrer à un petit calcul: cela coûterait combien à la CSPE, donc au consommateur d’électricité français, de passer de 4 GW de PV aujourd’hui en France à 20 GW en 2020? Va-t-on augmenter la dépense publique PV de 400%? Mais non, le prix a baissé, moins… Alors de 300%? 200%? 100%, autrement dit doubler la dépense publique? Eh non, moins encore: on l’augmenterait de 50% seulement, pour une production cinq fois plus grande.

A fin 2012 on compte 4 GW installés en France, pour un impact annuel sur la CSPE de 1 885 M€, qui commence à diminuer à partir de 2027. Par rapport aux installations faites en 2012 (1 GW), on postule une croissance annuelle du marché de 15,3% jusqu’en 2019, ce qui conduit à un total d’installations de 20 GW en 2020 (oui, c’est un calcul fait au début 2013, une année à oublier qui décale tout d’un an…).

Le productible photovoltaïque est pris à 1 250  kWh/kWc. Dans l’année d’installation on compte un productible égal à la moitié du productible annuel en année pleine.

On fait l’hypothèse d’un prix de marché « diurne » (profil PRD3) stable à 55 €/MWh comme base de calcul du coût évité. Cette hypothèse conservatrice peut cependant se trouver vérifiée du fait d’une proportion croissante d’électricité de sources renouvelables à coût marginal très bas, produits en France et chez nos voisins, compensant les hausses prévisibles sur les autres facteurs de coût (régression du charbon au profit du gaz).

Les prix moyens du kWh à partir des installations de 2013 sont estimés comme suit : € 200/MWh pour le résidentiel, € 150/MWh pour les bâtiments commerciaux, € 100/MWh pour les centrales au sol. Ces coûts supposent l’abandon de l’intégration au bâti en tant que tarifs. Les coûts des toitures  diminuent de 7%/an, ceux des centrales au sol de 3%/an.

Par croisement avec les coûts de l’électricité distribuée, (€ 90/MWh pour les bâtiments professionnels, € 120/MWh dans le résidentiel en 2012, dont il faudrait en toute rigueur déduire une – petite – part fixe), en croissance de 4% par an, on fait l’hypothèse de l’apparition de la « parité réseau » en 2017 dans les secteurs professionnel et résidentiel, ce qui permet de plafonner la part de l’électricité photovoltaïque éligible aux tarifs d’achat pour les installations nouvelles, en fonction du  taux d’autoconsommation.

En l’absence (hypothèse conservatrice) de toute option économiquement rentable de stockage décentralisé d’électricité, on plafonne l’autoconsommation à 10% en 2018, 12,5% en 2019 et 15% en 2020 dans le résidentiel, et dans le secteur professionnel à 20% en 2018, 25% en 2019 et 30% en 2020 – et bien sûr pour les seules installations nouvelles. Il s’agit de taux moyens: le taux pour une installation professionnelle peut être plus élevé, mais la parité réseau s’observe cas par cas selon les coûts effectifs du PV et les prix de l’électricité.

Résultats

Le cumul des engagements nouveaux 2013-2020 s’élève en 2020 à 1 057 M€/an, pour une puissance installée ajoutée de 16 GW, vs. 1 885 M€ pour les engagements déjà pris pour une puissance installée de 4 GW : un impact deux fois moindre, pour quatre fois plus de capacités ajoutée.

L’impact du PV sur la CSPE s’élèverait donc en 2020 à 2 942 M€, a comparer aux estimations antérieures des charges CSPE en 2020 liées à l’installation de 8 GW au total (4 installés plus 4 GW nouveaux), soit 2 664 M€ selon EDF, citée par la cour des comptes en 2012. La différence est de 278 M€ pour une puissance totale deux fois et demi supérieure, une puissance additionnelle quatre fois supérieure.

Le productible total en année pleine s’élève à 25 TWh, dont 20 TWh grâce aux engagements nouveaux. La charge moyenne sur la CSPE des kWh générés par ceux-ci s’élève à € 53/MWh, contre un coût moyen de € 404/MWh pour les engagements déjà pris.

La conclusion s’impose: seuls des engagements nouveaux permettent de tirer bénéfice des efforts consentis jusqu’alors.

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