Cette fois ça y est, le doute n’est plus permis: dans les pays ou régions ensoleillées, le photovoltaïque est désormais l’électricité la moins chère… sauf lorsque la ressource hydroélectrique ou la ressource éolienne y sont encore moins chères! Et cette fois, il ne s’agit plus seulement de « parité réseau », au sens (restreint) d’égalité avec le coût du kWh livré sur le lieu de consommation, mais bien de compétitivité aux bornes des installations de production.
Ce qui permet de le dire, c’est le succès de la mise aux enchères à Dubaï pour une centrale PV de 100 MW par la compagnie d’électricité (et d’eau) DEWA. L’enchère a été remportée par le groupe Saoudien ACWA Power à un prix record: moins de 6 US cents le kilowattheure. La deuxième offre, il faut le noter, était très proche, juste au-dessus de 6 cents. DEWA était tellement contente qu’elle a aussitôt doublé la mise et commandé 200 MW (son objectif est d’aller jusqu’à 1GW, et ACWA est prêt à baisser son prix à moins de 5,5 cents…).
Ce prix ne devrait pourtant pas tellement nous étonner. C’est à peu près la moitié du prix du kWh des plus récentes centrales allemandes au sol, plus petites (10 MW max), et jouissant d’un ensoleillement moitié moindre qu’à Dubaï. C’est la première fois qu’on construit une centrale au soleil à un « prix allemand », et surtout à un financement « allemand »: la dette compte pour 85% du financement, et elle est à moins de 5% de taux d’intérêt. Sur son investissement propre, qui sera partagé avec DEWA, ACWA escompte 10% de retour.
C’est un record, mais pas totalement isolé. En Afrique du Sud, au Brésil, au Chili, aux Etats-Unis (une fois enlevé l’avantage de l’investment tax credit), en Inde, au Panama, les appels d’offre en 2014 ont donné des prix entre 7,5 et 9 cts/kWh.
Avec Dubaï, un pallier est atteint: celui de la compétitivité avec tous les fossiles, dans la plupart des cas. Il faut un gaz naturel à 4,5 USc/Mbtu pour arriver à un prix aussi bas du kWh, ce qui ne se trouve pratiquement qu’aux Etats-Unis. Les nouvelles centrales à charbon ne font pas mieux, sauf peut-être en Chine et en Inde. Quant au pétrole, c’est encore plus simple: il faut un prix du baril à moins de 45 dollars pour qu’un kWh à 6 cents rembourse la seule dépense de combustible.
Attention, cela ne retire rien à ce que j’ai dit ici: les renouvelables ne peuvent que très difficilement entrer en compétition avec les fossiles sur les marchés spot. Il faut des contrats à long terme pour que des conditions de financement acceptables les rendent réellement compétitives. A Dubai, c’est 25 ans. Ce n’est pas un cadeau, d’ailleurs: DEWA se protège contre toute augmentation des prix des combustibles pendant 25 ans. Mais c’est une condition. Les centrales PV construites sans contrats à long terme se comptent sur les doigts d’une seule main, toutes au Chili, dans la zone nord du Système interconnecté central, où la ressource est excellente et surtout où le prix moyen du kilowattheure est trois fois celui de Dubaï.
Dans une interview à un site australien, Paddy Padmanathan, le CEO d’Acwa Power, a déclaré que le prix des centrales PV pourrait bientôt atteindre 4 cents, et celui du solaire thermodynamique 9 cents. Oui, parce que Acwa Power ne construit pas que du PV à Dubai, mais aussi du thermodynamique (ou STE, ou CSP) au Maroc (trois centrales, deux à capteurs linéaires, une tour) et en Afrique du Sud. Comme Abengoa, comme SolarReserve, qui associent PV et STE dans leurs offres au Chili, et comme l’AIE (un peu grâce à votre serviteur), Acwa a fort bien compris la complémentarité des deux: le PV, l’option la moins chère quand le soleil brille, STE l’option solaire la moins chère quand… il fait nuit! A moins, bien sûr, que le PV + pompage hydraulique ne fasse aussi bien…