Où l’on montre que les prix négatifs de l’électricité constatés à la mi-juin, et dont les médias ont fait des gorges chaudes en accusant solaire et vent, résultaient en fait des pluies abondantes d’un printemps pourri…
Donc, voici la France a son tour touchée par les prix négatifs de l’électricité. Dimanche 16 juin, le prix a été en moyenne de – 40,99 euros le mégawattheure, tombant même en ce qui concerne le prix spot à – 200 euros pendant quelques heures le matin.
Dans un communiqué, Epex-Spot explique ces prix négatifs par un surplus de production, « causé d’une part par des températures douces et d’autre part par des niveaux élevés de production d’énergies dits « non flexibles » (nucléaire, hydraulique, éolien, photovoltaïque), c’est-à-dire à la production peu, voire pas, modulable en fonction de la demande. »
Nos quotidiens et nos hebdomadaires, s’appuyant semble-t-il sur une dépêche de l’AFP et la déclaration de quelqu’un du cabinet Sia Partners dont l’aimable prénom n’est pas à lui seul une garantie de sérieux, ont tous peu ou prou raconté la même histoire: « L’électricité solaire ou éolienne bénéficie en effet d’une « priorité d’injection », c’est-à-dire qu’elle est écoulée en priorité sur les réseaux électriques, devant les autres moyens de production – ce qui oblige les distributeurs à l’acheter. L’énergie propre est de plus subventionnée, et produite à coûts fixes, ce qui incite les exploitants à surproduire, même quand la demande est faible. Par conséquent, les prix de gros de l’électricité en Europe sont tirés à la baisse durant les pics de production éolienne ou solaire, jusqu’à devenir négatifs, de manière ponctuelle. »
Est-ce qu’on pourrait gentiment rappeler aux journalistes qu’avant d’écrire il n’est pas interdit d’enquêter, plutôt que d’écrire sans vérifier ce que leur commune opinion leur suggère? En quelques clics à peine, ils auraient pu vérifier d’abord que les prix négatifs les plus bas ont été observés de 6 heures à 9 heures du matin.
Ensuite, sur le site de RTE, ils auraient pu voir que la production photovoltaïque… n’était pas disponible mais à 6 heures du matin sûrement nulle, et la puissance éolienne autour de 500 MW, soit 7% de la capacité éolienne actuellement installée. L’hydraulique, autour de 7000 MW, représentait sans nul doute le minimum incompressible de génération « au fil de l’eau » dans le contexte que l’on sait de crues imposantes. Ce qui a rendu les choses plus difficiles encore, c’est que le pompage dans les stations de transfert d’énergie n’a pas dépassé 2500 MW, alors que sa capacité théorique est de 4500 MW, sans doute parce que les barrages supérieurs étaient déjà pleins. Bref, dans les prix négatifs de dimanche dernier, le photovoltaïque ne comptait pour rien, et l’éolien pour pas grand chose… En revanche, le relatif manque de flexibilité du nucléaire (quand même descendu de quelque 43 000 MW le vendredi précédent à 31 000 MW le dimanche à l’aube, pour remonter le lundi suivant au même niveau que la semaine précédente), combiné avec… les pluies fréquentes de notre printemps pourri, suivies d’un radoucissement (enfin!) qui comprime la demande, suffisent à expliquer le phénomène de prix de dimanche dernier.
C’est semble-t-il devenu un must d’accuser la variabilité du soleil et du vent, et leurs scandaleuses subventions (oui, c’est un second degré…) de tous nos maux. Mais en l’occurrence les faits ne sont pas aimables, et ne semblent pas confirmer ces accusations. Le communiqué d’Epex Spot, d’ailleurs, aurait pu éviter de mettre sur le même pied toutes les énergies rigides, quel que soit l’écart entre leurs contributions relatives, selon la vieille recette du pâté de cheval et d’alouette, ouvrant ainsi la brèche dans laquelle les préjugés se sont engouffrés au mépris des réalités.