A-t-on besoin du nucléaire en France?

Le quotidien spécialisé Enerpresse vient de publier une contribution au débat sur le nucléaire en France que nous avons rédigée, Alain Grandjean, Président de la Fondation pour la Nature et l’Homme, François Lempérière (Président d’Hydrocoop) et moi-même. Cliquez ci-dessous pour obtenir le pdf. Nous y comparons, à échéance 2050, deux situations hypothétique: une avec 50% de nucléaire dans la production d’électricité, l’autre sans – donc avec pratiquement jusqu’à 100% de renouvelables. Autrement dit, que se passerait-il si l’on ne construisait plus de nucléaire en France, sachant que des centrales aujourd’hui en fonctionnement, très rares sont celles qui pourraient l’être encore dans 30 ans.

 

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9 réflexions sur « A-t-on besoin du nucléaire en France? »

  1. Bertrand Cassoret

    Bonjour
    L’article montre que se passer de nucléaire nécessite des centrales au gaz. Toute la question est de savoir si les émissions de CO2 générées ainsi sont suffisamment faibles pour être acceptables vis à vis de la lutte contre le réchauffement climatique. N’aurait-on besoin de n’émettre que 15MT de co2 ?
    L’article compte en permanence sur 10% de la puissance éolienne terrestre installé. Or actuellement ce pourcentage descend parfois en dessous de 1%. En mer il compte sur 30% , ce qui semble bien optimiste. Vraisemblablement il faudra plus souvent recourir au gaz qui non seulement émet du CO2, mais nous rend plus dépendant de nos fournisseurs que l’uranium (le cout de l’uranium représente moins de 2% du cout de l’électricité nucléaire). Et si Vladimir décide de fermer le robinet?
    Je suis assez sceptique sur la faisabilité de nouvelles STEP de falaises en bord de mer.
    150GW d’éolien de durée de vie 25 ans (en mer, c’est peut être même optimiste), ça fait en vitesse de croisière 6GW par an à refaire, environ 4 fois le rythme actuel. Il faudra trouver des compétences, des moyens et des lieux d’implantation…
    Les problèmes de stabilité de réseau ne sont pas abordés : les éoliennes et panneaux PV n’ont pas d’inertie pour le maintien de la fréquence à 50Hz. Problème technique peut-être soluble à l’avenir avec l’électronique de puissance mais ??
    « il s’agit là d’ordre de grandeur. Une modélisation fine est nécessaire pour évaluer plus précisément les crédits de capacités, l’évolution de la demande » . Effectivement. RTE a travaillé sur la baisse à 50% de la part du nucléaire en fermant 14 réacteurs environ : le scénario Ampère arrive à 50% de la production, 60% de la consommation, de nucléaire à condition de :
    – consommation stable à 480TWH, alors qu’elle pourrait bien augmenter comme expliqué ici compte tenu des reports de pétrole/gaz vers l’électricité
    – maitrise de la pointe de conso, effacements de conso durant les pointes
    – probabilité de défaillance en hausse.
    https://theconversation.com/50-de-nucleaire-sans-coupures-delectricite-cest-possible-98212

    Cordialement

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    1. Cédric Philibert Auteur de l’article

      Non, l’article montre qu’il faut des centrales thermiques, mais si celles-ci peuvent dans un premier temps brûler du gaz naturel à terme elles pourront brûler de l’hydrogène ou de l’ammoniac, l’u et l’autre sans émissions de carbone. En ajoutant des charges flexibles à la consommation d’électricité, c’est-à-dire interruptibles durant les pointes, on facilite l’intégration des variables et on réduit le besoin de back-up: electrifier les secteurs de consommmation finale aide à gérer la variabilité. Les charges flexibles, cela peut être les véhicules électriques, la chaleur industrielle (avec management de la chaleur, y compris stockage thermique, bien moins cher que l’électrique), et électrolyseurs. Par ailleurs, c’est une simplification d’assimiler le crédit de capacité à une puissance garantie. Il s’agit plus exactement de la puissance garantie qu’on peut supprimer en gardant le même critère de sécurité électrique (les fameuses trois heures de coupure par an dues à un défaut d’équilibrage), seul un exercice complet de modélisation permet de le calculer. Par exemple, si comme on me l’a objecté, la puissance de l’ensemble des éoliennes tombe au-dessous de 10% au mois d’août, ce n’est pas vraiment un problème parce que la demande à ce moment-là n’est pas élevée et la production photovoltaïque est forte. Ce qui compte, c’est la production éolienne disponible aux heures de pointe de demande nette, en hiver après le coucher du soleil…

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  2. Evariste

    Un texte intéressant, comme beaucoup d’autres avant lui. Mais qui souffre une critique amicale.

    A commencer, par la fin, au sujet de la production mondiale d’électricité nucléaire qui n’est pas « voisine de 2 000 TWh/an depuis 1995  » mais qui a progressé de 2.320 TWh en 1995 à 2.800 TWh en 2006, avant de chuter fortement en 2011 et 2012 et de progresser de nouveau bien timidement depuis, jusqu’à 2.700 TWh en 2018. En pourcentage de la production mondiale, le maximum a été atteint en 1996 avec 17,5% pour décliner à 12,8% en 2010 et 10,2% en 2018.
    Données BP en production brute, comparables avec celles de l’IEA, mais disponibles deux ans plus tôt. En 2030, la part du nucléaire pourrait être encore à 10%, ou 9%, mais pas 6%.
    Cela m’étonne que vous ayez laissé passer une erreur aussi grande.

    Revenons en France. En moyenne, sur les dix-huit dernières années (2001-2018), la production nette d’électricité a été de 410 TWh pour le nucléaire sur un total de 541 TWh, avec un solde exportateur de 54,6 TWh, pour une consommation intérieure de 486,4 TWh et finale de 425 TWh. La production hydraulique moyenne a été de 58,5 TWh, hors turbinage des STEP, mais variant de 44,3 à 73,4 TWh pour les extêmes. Ne jamais se baser sur des moyennes.

    La consommation finale d’électricité ne représente que 15% et 26% des consommations primaire et finale d’énergie en France, avec un ordre de grandeur similaire dans le monde. Ce n’est donc pas « d’importance comparable » avec le non-électrique.

    Mais la consommation finale ne représente qu’une partie de la consommation intérieure, égale à la production nette dans le cas ou exportations et importations se compenseraient strictement. Ainsi, la différence moyenne entre les consommations intérieure et finale correspond au pompage pour les STEP (5,1 TWh), à la consommation de la branche énergie (21,8 TWh) et aux pertes sur les réseaux de transport et de distribution (34,5 TWh).

    Le fait d’utiliser l’hydrogène produit par électrolyse pour l’industrie est une bonne chose, car son emploi pour les transports est une aberration, comme c’est le cas des agrocarburants. Dans ce dernier cas, si la superficie de 2,2 millions d’hectares utilisée pour incorporer 7% énergétique d’agrocarburants dans les carburants était remplacée par des centrales solaires, cela permettrait de produire environ 2.500 TWh/an d’électricité photovoltaïque (220 Wc/m2, 1.100 kWc/ha, 1.050 kWh/kWc).

    En 2018, la consommation de carburant routier en France était, une fois convertie en TWh (mieux perceptible que les Mtep et EJ), de 480 TWh, dont 280 TWh pour les 32,7 millions de voitures particulières.
    En se basant sur une valeur généralement acceptée, mais jamais validée par une étude sérieuse, la consommation serait trois fois moindre pour des véhicules électriques à batterie. Soit 42,8 TWh pour 15 millions de voitures particulières. Mais cela est à la sortie de la batterie.

    Bien qu’aucune étude ne soit disponible là aussi, il est vraisemblable que la consommation à la prise serait de 52,2 TWh (rendement énergétique du chargeur et de la batterie de 0,82), entaînant une production nécessaire de 55,5 TWh (6% de pertes réseaux). Bien plus que votre estimation.

    Tous les transports routiers pourraient passer à l’électrique sur batteries, car rares sont les camions ou autocars qui roulent plus de 600 km sans s’arrêter une nuit, règlementation routière oblige.
    Dans ce cas, la consommation de 2018 (y compris véhicules étrangers) aurait été de 480 TWh à la sortie de la batterie, 585 TWh à la sortie de la prise, 623 TWh en production nécessaire.

    Alors qu’une superficie supérieure à celle des terres agricoles françaises (28,2 M.ha, dont 18,8 M.ha cultivés) seraient nécessaire pour incorporer 100% d’agrocarburants d’origine nationale pour des véhicules thermiques, seulement 550.000 hectares consacrés à des centrales solaires réparties sur le territoire seraient nécessaires pour alimenter tout les véhicules terrestres circulants en France. Mais comme chacun sait, il n’y a pas que le solaire dans la vie.

    A noter que pour consommer 630 TWh d’énergie finale, il faudrait sans doute produire
    plus que 700 TWh. A moins que … mais c’est un gros morceau, qui sera abordé un autre jour.

    Répondre
  3. Evariste

    Comment se fait-t’il que mon commentaire du 25 janvier ne soit pas passé ? Pourtant, vous avez accédé à votre blog le … pour y publier un nouveau texte ! … Nouvel envoi. …

    Un texte intéressant, comme beaucoup d’autres avant lui. Mais qui souffre une critique amicale.

    A commencer, par la fin, au sujet de la production mondiale d’électricité nucléaire qui n’est pas « voisine de 2 000 TWh/an depuis 1995  » mais qui a progressé de 2.320 TWh en 1995 à 2.800 TWh en 2006, avant de chuter fortement en 2011 et 2012 et de progresser de nouveau bien timidement depuis, jusqu’à 2.700 TWh en 2018. En pourcentage de la production mondiale, le maximum a été atteint en 1996 avec 17,5% pour décliner à 12,8% en 2010 et 10,2% en 2018.
    Données BP en production brute, comparables avec celles de l’IEA, mais disponibles deux ans plus tôt. En 2030, la part du nucléaire pourrait être encore à 10%, ou 9%, mais pas 6%.
    Cela m’étonne que vous ayez laissé passer une erreur aussi grande.

    Revenons en France. En moyenne, sur les dix-huit dernières années (2001-2018), la production nette d’électricité a été de 410 TWh pour le nucléaire sur un total de 541 TWh, avec un solde exportateur de 54,6 TWh, pour une consommation intérieure de 486,4 TWh et finale de 425 TWh. La production hydraulique moyenne a été de 58,5 TWh, hors turbinage des STEP, mais variant de 44,3 à 73,4 TWh pour les extêmes. Ne jamais se baser sur des moyennes.

    La consommation finale d’électricité ne représente que 15% et 26% des consommations primaire et finale d’énergie en France, avec un ordre de grandeur similaire dans le monde. Ce n’est donc pas « d’importance comparable » avec le non-électrique.

    Mais la consommation finale ne représente qu’une partie de la consommation intérieure, égale à la production nette dans le cas ou exportations et importations se compenseraient strictement. Ainsi, la différence moyenne entre les consommations intérieure et finale correspond au pompage pour les STEP (5,1 TWh), à la consommation de la branche énergie (21,8 TWh) et aux pertes sur les réseaux de transport et de distribution (34,5 TWh).

    Le fait d’utiliser l’hydrogène produit par électrolyse pour l’industrie est une bonne chose, car son emploi pour les transports est une aberration, comme c’est le cas des agrocarburants. Dans ce dernier cas, si la superficie de 2,2 millions d’hectares utilisée pour incorporer 7% énergétique d’agrocarburants dans les carburants était remplacée par des centrales solaires, cela permettrait de produire environ 2.500 TWh/an d’électricité photovoltaïque (220 Wc/m2, 1.100 kWc/ha, 1.050 kWh/kWc).

    En 2018, la consommation de carburant routier en France était, une fois convertie en TWh (mieux perceptible que les Mtep et EJ), de 480 TWh, dont 280 TWh pour les 32,7 millions de voitures particulières.
    En se basant sur une valeur généralement acceptée, mais jamais validée par une étude sérieuse, la consommation serait trois fois moindre pour des véhicules électriques à batterie. Soit 42,8 TWh pour 15 millions de voitures particulières. Mais cela est à la sortie de la batterie.

    Bien qu’aucune étude ne soit disponible là aussi, il est vraisemblable que la consommation à la prise serait de 52,2 TWh (rendement énergétique du chargeur et de la batterie de 0,82), entaînant une production nécessaire de 55,5 TWh (6% de pertes réseaux). Bien plus que votre estimation.

    Tous les transports routiers pourraient passer à l’électrique sur batteries, car rares sont les camions ou autocars qui roulent plus de 600 km sans s’arrêter une nuit, règlementation routière oblige.
    Dans ce cas, la consommation de 2018 (y compris véhicules étrangers) aurait été de 480 TWh à la sortie de la batterie, 585 TWh à la sortie de la prise, 623 TWh en production nécessaire.

    Alors qu’une superficie supérieure à celle des terres agricoles françaises (28,2 M.ha, dont 18,8 M.ha cultivés) seraient nécessaire pour incorporer 100% d’agrocarburants d’origine nationale pour des véhicules thermiques, seulement 550.000 hectares consacrés à des centrales solaires réparties sur le territoire seraient nécessaires pour alimenter tout les véhicules terrestres circulants en France. Mais comme chacun sait, il n’y a pas que le solaire dans la vie.

    A noter que pour consommer 630 TWh d’énergie finale, il faudrait sans doute produire
    plus que 700 TWh. A moins que … mais c’est un gros morceau, qui sera abordé un autre jour.

    Répondre
  4. georges rolland

    Comment faites vous vos calculs ? On a vraiment l’impression que le doigt mouillé domine largement…
    C’est juste un petit problème à environ 1000 milliards, la transition énergétique à venir.
    En inventant ou tordant les chiffres, on peut tout faire sans nucléaire… Mais c’est à la fois très hypothétique (les relevés de vent/ensoleillement montrent que trop souvent, toute l’europe sera en panne en même temps, oubliez la solidarité des ENR !), et trop cher (on doit tinstaller des puissances folles ENR, + des puissances raisonnables thermiques).
    Je trouve les articles de carbone 4 bien plus rigoureux

    Répondre
    1. Cédric Philibert Auteur de l’article

      Nous l’avons dit, seul un exercice de modélisation complet pourra apporter toutes les réponses, et notamment confirmer l’évolution à terme des crédits de capacité des diverses technologies renouvelables. Si ce n’est pas du doigt mouillé, c’est du dos de l’enveloppe, c’est sûr. Mais à tout prendre, notre travail est plus rigoureux que votre commentaire…

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  5. Bellion

    Que de temps perdu sur une mauvaise priorité !

    Si l’on gardait notre capacité nucléaire et développions notre capacité globale de production électrique décarbonée pour sortir complètement du fossile (électricité, moyens de transports, chauffage), ce serait beaucoup plus sensé.
    Une fois cela fait, on y verra beaucoup plus clair sur notre capacité à sortir du nucléaire (qui n’est absolument pas un impératif, contrairement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre).

    Mettons nos neurones et nos investissements sur les bonnes priorités.

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    1. Cédric Philibert Auteur de l’article

      Oui… sauf que notre parc est âgé, donc on ne peut pas juste « garder notre capacité nucléaire » ad vitam aeternam, il faut donc prévoir à son remplacement, et c’est alors que les choix s’ouvrent.

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