Lundi 29 octobre à Bilbao, l’Agence Internationale de l’Énergie a publié sa feuille de route technologique sur l’hydroélectricité. Objectif: doubler la production hydroélectrique mondiale d’ici 2050, qui passerait donc de 3500 térawattheures (milliards de kilowattheures) à un peu plus de 7100 TWh. L’essentiel de l’augmentation serait le fait de grandes centrales dans les pays émergents d’Asie et d’Amérique latine.Malgré ce doublement, la part de l’hydroélectricité dans la production totale d’électricité ne changerait guère, passant de 16% aujourd’hui à 19% vers 2030 puis redescendant doucement à 17%
L’hydroélectricité est de loin la plus importante des énergies renouvelables dans la production électrique, distancée seulement par la biomasse traditionnelle dans le bilan énergétique total. Petit fait souvent ignoré, les centrales électriques construites depuis cinq ans ont généré plus d’électricité que les énergies éoliennes, solaires et géothermiques réunies. C’est seulement à partir de … maintenant, que les « nouvelles » renouvelables vont croître, en valeur absolue, plus vite que l’hydraulique.
Cette dernière a pourtant une immense vertu: elle est largement flexible lorsque, dotée de réservoirs grâce aux barrages, elle peut produire à la demande. A ce titre, elle fournit déjà aux réseaux électriques de nombreux et précieux « services » – régulation de fréquence et de voltage, montées (et descentes) en charge rapides, etc. De plus en plus, la « flexibilité » de la production hydroélectrique va permettre de gérer la variabilité des nouvelles renouvelables telles que l’éolien et le solaire photovoltaïque. A l’horizon 2050, les renouvelables variables devraient en effet fournir entre 22% et 32% de l’électricité totale, selon les scénarios de l’AIE compatibles avec une limitation du réchauffement global à 2°C, comme on peut voir ci-dessous:
Cependant les ressources hydroélectriques sont très inégalement réparties. Les pays qui en ont le plus – chez qui elle peut fournir jusqu’à 100% de l’électricité – n’ont guère besoin d’éoliennes ni de photovoltaïques. A l’inverse, ceux qui en ont le plus besoin n’ont, pour ainsi dire par définition, guère d’hydraulique. Une solution, bien sûr, est l’interconnexion, et c’est ainsi que les liaisons par câbles entre le château d’eau de l’Europe, la Norvège, et les pays du continent – l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Pologne – sont régulièrement renforcées. L’autre solution est le stockage d’énergie par pompage-turbinage, qui consiste à remonter l’eau dans les barrages. Les STEP – stations de transfert d’énergie par pompage – représentent 99% du stockage d’électricité disponible sur les réseaux, avec environ 140 gigawatts (milliards de watts) en service dans le monde. L’Agence envisage une multiplication de cette capacité par trois à cinq d’ici 2050 – j’y reviendrai prochainement, ainsi que sur d’autres aspects de cette feuille de route, notamment les questions d’environnement et de financement, qui sont au cœur de la problématique du développement de l’hydroélectricité aujourd’hui.