Produire de l’hydrogène en capturant du CO2

Encore une start-up qui va sauver la planète en produisant de l’hydrogène ? Oui, encore une, mais celle-ci a vraiment quelque chose de spécial. Planetary Hydrogen ne se contente pas d’utiliser de l’électricité renouvelable pour produire de l’hydrogène vert. La start-up canadienne veut du même mouvement prendre du CO2 dans l’air et le transformer en bicarbonate qui se retrouvera ensuite dans l’océan, réduisant ainsi son acidité.

On pourrait aussi bien dire qu’il s’agit d’une technique de capture directe du CO2 dans l’air doublement améliorée – le CO2 capturé ne doit pas être stocké sous terre sous forme gazeuse, il est définitivement éliminé ; le procédé produit en plus de l’hydrogène vert. D’une pierre deux voire trois coups…


Trop beau pour être vrai ? Pas sûr. L’idée est de s’installer au bord de l’océan pour électrolyser de l’eau tirée de la mer, en ajoutant un minéral pour forcer l’électrolyseur à créer un « hydroxyde » (comme la soude, ou hydroxyde de sodium), qui s’attache alors au CO2 de l’air pour se transformer en bicarbonate. Alors que la production d’un kg d’hydrogène produit environ 10 kg de CO2 à partir du gaz naturel, 15 kg à partir de résidus pétroliers et 20 kg à partir de charbon, le procédé Planetary Hydrogen au contraire en consomme 40 kg.L’absorption par les océans du CO2 que nous envoyons dans l’atmosphère ralentit le changement climatique au prix d’une acidification des eaux océaniques qui menace de mort coraux et coquillages. Favoriser la formation de bicarbonates dans l’océan, c’est reproduire un phénomène naturel: les pluies acidifiées par le CO2 réagissent avec des minéraux « basiques » (le contraire de « acides ») à la surface de la terre, dissolvant les roches et consommant le CO2 pour former ces bicarbonates qui rejoignent ensuite les océans. Ce processus soustrait durablement le carbone du cycle du CO2 et freine l’acidification de l’océan (et indirectement l’effet de serre), mais il est extrêmement lent, se mesurant en centaines de milliers d’années.
Quand on fait d’une pierre trois coups, on peut monter un business model plus équilibré, avec deux sources de revenus : la vente d’hydrogène vert d’une part, la vente de crédit de réductions d’émissions de l’autre, ou plus exactement ici la vente de crédits de compensation d’émissions par des captures du CO2 atmosphérique. La production d’hydrogène vert n’est pas encore compétitive avec la production d’hydrogène à base de fossile, même si cela ne saurait tarder, mais la vente de crédits de capture du CO2 en abaisse immédiatement le coût. D’avoir trouvé son premier client, le géant canadien du commerce en ligne Shopify, également soutien de Carbon Engineering, devrait donner à Planetary Hydrogen les moyens de son développement jusqu’à ses premières productions d’hydrogène « ultra-vert » en 2022. Reste quand même à prouver que cette capture du CO2 dans l’eau de mer n’est pas plus coûteuse que la capture du CO2 dans l’air, ce que certaines analyses suggèrent. Rendez-vous l’an prochain pour la première démonstration concrète, du côté d’Halifax en Nouvelle-Ecosse.
Les mécanismes de « compensation carbone » sont regardés avec suspicion par les environnementalistes qui craignent d’encourager l’utilisation perpétuelle des combustibles fossiles. Mais certains types d’émissions s’avèrent très difficiles et coûteuses à éviter, et l’objectif d’émissions « nettes nulles » devra s’accommoder d’une dose de « compensation » par élimination du CO2 atmosphérique, ou « émissions négatives ». Ici la réduction des émissions, par la substitution d’hydrogène vert à l’hydrogène fossile, et les émissions négatives ne s’opposent pas, les deux résultant d’un même procédé. De plus, le CO2 est ici éliminé plutôt que stocké en sous-sol, autre objet de craintes pour le long terme, et cette élimination dans l’océan n’augmente pas voire réduit son acidité. Bref, le « pH », pour « potentiel hydrogène », mesure de l’acidité/basicité, n’a jamais mieux porté son nom…

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