De Copenhague 2009 à Paris 2015: ce qui a changé

MonizC’est un simple graphe, montré hier à la Ministérielle de l’AIE par le ministre américain de l’énergie, Ernest Moniz. Il montre l’évolution des coûts de cinq technologies, en six ans: l’éolien terrestre, le photovoltaïque décentralisé, les grandes centrales photovoltaïques, l’éclairage par LED. Les réductions vont de 40% pour l’éolien à 90% pour l’éclairage, en passant par 50% et 60% pour le PV, 70% pour les batteries. Et c’est ça qui change tout dans les négociations sur les changements climatiques: le potentiel d’actions à coûts faibles ou nuls, justifiées par de multiples bénéfices – sécurité énergétique, qualité de l’air, potentiel de croissance – s’est accru de façon incroyable en très peu de temps.

Lorius: les lecteurs de l’Express ont su les premiers

ExpressPendant 140 000 ans, les variations de la température à la surface du globe et les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ont évolué de concert – et pour ces dernières n’ont dépassé les 300 ppmV qu’au vingtième siècle. Ces résultats qui assurent aujourd’hui – grâce au film La Glace et le ciel – une renommée méritée à Claude Lorius, les lecteurs de l’Express ont été les premiers à en connaître, le 26 juin 1987, avant même les lecteurs de Nature – le 1er octobre de la même année, où Claude Lorius, Dominique Raynaud, Jean Jouzel et les autres publièrent leurs découverte. Ils avaient des bons pigistes, alors, à l’Express… 😉

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PV en France: vers 8 GW en 2020, ou plutôt 20-25GW?

le-parc-photovoltaique-de-cestas-en-gironde-occupe-300_2751528_800x400Construction du parc solaire de Cestas en Gironde

Le 20 août dernier, alors qu’il visitait l’Institut National de l’Energie Solaire près de Chambéry, François Hollande annonçait le doublement d’un appel d’offre photovoltaïque (PV) en cours, de 400 à 800 MW, au vu du nombre et surtout du coût, en forte baisse, des propositions reçues. Peu après, un arrêté de la directrice de l’Energie rehaussait, de 5,4 gigawatts (GW) à 8 GW (ou 8 000 mégawatts – MW), l’objectif à fin 2020 de puissance installée solaire (a priori presque exclusivement PV). De fait, l’objectif initial avait été atteint au cours du troisième trimestre 2014, et la France a dépassé 6 GW en juin dernier.

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Les éoliennes fonctionnent bien plus longtemps que « 23% du temps »

« En France, le solaire ne fonctionne que 14 % du temps, et l’éolien 23% », a déclaré Jean-Bernard Lévy aux Echos, en présentant les objectifs d’EDF à l’horizon 2030 – doubler la capacité installée française en énergies renouvelables. JB Lévy fait là allusion au « facteur de capacité », qui exprime la production électrique d’une installation en un nombre d’heures « équivalent pleine puissance » (en pourcent des 8760 heures d’une année) – une simplification sans doute, pour se faire facilement comprendre du plus grand nombre, malheureusement trompeuse.

A double titre: 1) la production réelle est répartie sur un bien plus grand nombre d’heures; 2) le facteur de capacité des éoliennes récentes est bien supérieur, même dans les régions modérément ventés, il atteint 35 ou 40%. C’est dû à leur grande hauteur de mat et surtout leurs longues pales par rapport à leur une capacité électrique. Voir par exemple les derniers modèles révélés à la conférence éolienne d’Husum, en Allemagne, avec des diamètres de rotor de 130 à 140 mètres pour des capacités de « seulement » 3,2 à 3,5 MW.

1+2: les éoliennes modernes produisent (plus ou moins, c’est entendu) les trois-quarts du temps, plutôt qu’un quart du temps… Le solaire, lui, ne peut dépasser ni même atteindre la moitié du temps, mais on peut aussi améliorer son facteur de capacité avec le suivi du soleil ou une orientation est-ouest des panneaux plutôt que sud, comme à Cestas.

Par ailleurs… Ceci vaut pour les éoliennes prises individuellement. Mais pour les éoliennes prises collectivement… eh bien, il y en a toujours qui fonctionnent. Et même avec une forte pénétration, on peut considérer en Europe un crédit de capacité d’encore 20%, c’est-à-dire qu’à tout moment, pour 5 GW de capacité installée, il y a bien 1 GW de disponible, selon l’étude d’EDF dont je parle ici (réalisée avec des facteurs de capacité faibles par rapport à ce qui se fait maintenant). Mais bon, les petits nouveaux à EDF ne peuvent pas connaître tout de suite tout ce que cette vaste maison produit.

« Tant que nous ne sommes pas capables de stocker l’énergie, nucléaire et renouvelables sont complémentaires », a conclu le patron d’EDF. Là encore, c’est beaucoup simplifier. EDF sait fort bien stocker l’énergie – pour quelques heures ou quelques jours, pas vraiment d’une saison à l’autre – dans ses stations de transfert d’énergie par pompage – 5 000 MW, et on peut en faire d’autres. Et surtout, le besoin réel de stockage est bien moins important qu’on ne le pense, et d’abord parce que la production renouvelable est mieux répartie dans le temps qu’on ne le croit – ou le dit.

Encore faudrait-il rémunérer correctement les bons profils de production. Les tarifs d’achat pour l’éolien et le photovoltaïque ont un plafond d’heures, au-delà duquel la rémunération tombe à 5 centimes du kilowattheure. La Commission de régulation de l’énergie a récemment proposé, si la ministre de l’Ecologie persiste à vouloir rehausser un peu la rémunération des installations PV de moyenne puissance, d’abaisser encore le plafond de la rémunération du PV en nombre d’heures, de 1500 à 1200 heures par an – exactement l’opposé de ce qu’il conviendrait de faire pour faciliter l’intégration des renouvelables dans le réseau.

Mirrah-ge ou Mirrah-cle?

De très, très loin, la plus grande centrale solaire « thermique » au monde – ne produisant pas d’électricité mais de la vapeur industrielle – surgira bientôt du désert d’Oman. Mirrah (miroirs en arabe) sera vingt à quarante fois plus puissante que les plus grandes installations solaires thermiques existantes. Et servira à … faciliter l’extraction de pétrole.

Mirrah

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Nagasaki

Pourquoi Nagasaki?
On connaît les termes du débat à propos d’Hiroshima. La thèse officielle, c’est qu’il s’agissait de faire plier le Japon et d’épargner la vie de milliers de soldats américains. Mais on sait que le Japon avait déjà offert sa capitulation. La thèse alternative, c’est qu’il s’agissait d’impressionner les Russes, notamment en Europe. Comme l’a écrit André Fontaine, ce n’était pas le dernier acte de la Seconde Guerre Mondiale, mais le premier acte de la Guerre Froide.
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Politique monétaire et transition énergétique

Au-delà du soutien à l’idée d’afficher clairement un corridor de prix pour le carbone, le rapport (en ligne sur cette même page des Echos) sur la mobilisation des financements pour le climat de Pascal Canfin et Alain Grandjean ouvre discrètement une brèche. C’est page 82 – hélas pas dans les « 10 propositions clés » de la page 14, lorsque les auteurs abordent le rôle – éventuel – de la politique monétaire face au dérèglement climatique. Oh, la proposition reste très modérée – qu’on en juge:
« Nous proposons que :
– Les banques centrales rendent compte dans leur rapport d’activité de l’évolution de la part relative des collatéraux “climat” dans leur bilan ;
– Des échanges officiels entre banques centrales puissent avoir lieu sur ce thème en listant les différents outils possibles ou déjà utilisées d’intervention. »
Néanmoins, c’est une indication de piste – celle qu’avec Alain Grandjean, Gael Giraud et Patrick Criqui nous suggérions déjà en 2011: que le système des banques centrales finance ou refinance la transition énergétique par voie de création monétaire. Depuis, la BCE a lancé son quantitative easing, mais faute d’être fléché vers l’investissement utile, il risque de ne servir qu’à gonfler les bulles spéculatives sur les actions ou l’immobilier.

Un « corridor de prix » pour le carbone

Que j’aime ce titre des Echos!

Nos amis de la Commission européenne admettent maintenant que l’objectif réel du système de permis d’émissions n’était pas, contrairement à ce qui a longtemps été proclamé, d’obtenir des réductions d’émissions à court terme au prix le plus bas possible, mais bien d’envoyer dans toute l’économie un signal prix de long terme sur le carbone.

– Un signal prix, oui, mais lequel?

– Ah non, c’est au marché de le dire, répondaient-ils, sans réaliser cette évidence qu’un signal qu’on s’interdit d’articuler est forcément inaudible.

Le rapport Canfin Grandjean remis aujourd’hui au président de la République va peut être faire enfin bouger les lignes.