Archives de catégorie : Changements climatiques

La transition que Fressoz ne veut pas voir

Peut-on comme Jean-Baptiste Fressoz affirmer que «la transition énergétique n’aura pas lieu» car cela ne s’est pas produit dans le passé ? Non. Pour le chercheur Cédric Philibert, la décarbonation des énergies progresse et assure l’essentiel pour réduire nos émissions.

Ci-dessous, ma tribune que Libération a publiée sur son site le 15 janvier, en réponse à la recension du récent livre de JB Fressoz publiée le 10 janvier par le même quotidien.

Dans son nouveau livre au titre explicite, Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie, Jean-Baptiste Fressoz ne se contente pas de son rôle d’historien. Il se fait aussi prophète de malheur, comme l’affirme sans ambages le bandeau qui entoure l’ouvrage : «La transition énergétique n’aura pas lieu.» Libération le synthétise ainsi : «A chaque fois qu’une nouvelle source d’énergie apparaît, elle ferait augmenter l’usage de celles déjà existantes, selon l’historien Jean-Baptiste Fressoz, et rendrait la décarbonation impossible. Laissant la sobriété seule solution viable.» Continuer la lecture

« La défense du nucléaire comme énergie bas carbone affaiblit l’action de l’Union européenne contre le changement climatique »

Ci-dessous la tribune que j’ai signée dans Le Monde (site, 13 janvier) avec mes amis de l’association ENR pour tous, en particulier Stéphane His, Corinne Lepage, Ghislain Dubois et Clément Bayard.

En cherchant à relancer quoi qu’il en coûte le nucléaire, la France ne rate pas seulement une occasion historique d’une transition rapide et moins coûteuse vers les énergies renouvelables et la décarbonation. Elle affaiblit l’ambition climatique de l’Union européenne (UE).

La réintégration de la production nucléaire actuelle en Europe – 6 % de son énergie finale – dans l’objectif de 42,5 % d’énergies renouvelables fixé par la directive RED III [Renewable Energy Directive III] créerait un artifice comptable et entraînerait un flou stratégique dans un domaine qui a pourtant besoin de vision à long terme.

Continuer la lecture

« Les enjeux climatiques de l’appel à tripler les renouvelables en 2030 sont beaucoup plus élevés que ceux de l’appel à tripler le nucléaire d’ici à 2050 »

Alors que le gouvernement français regarde ailleurs, l’économiste Cédric Philibert explique, dans une tribune au « Monde », pourquoi la France aurait intérêt à développer ses capacités électriques renouvelables, que ce soit par le recours accru à l’hydroélectricité, au solaire ou à l’éolien.

(Ma tribune publiée dans le Monde ce matin 12 décembre 2023.)

Le même jour, à la COP28, deux appels ont été lancés.

Le premier, soutenu par plus de cent vingt pays, vise à tripler les capacités renouvelables électriques d’ici à 2030, et à doubler le rythme de progression de l’efficacité énergétique.

Le deuxième est un appel à doubler la production d’électricité nucléaire d’ici à 2050. Soutenu par une vingtaine de pays, il a été largement inspiré par le nôtre.

La simultanéité de ces deux appels invite à comparer leurs effets possibles sur les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que leurs perspectives de succès. L’appel sur les renouvelables a beaucoup plus d’effets sur le climat, et, même si cela peut surprendre, sa réussite paraît davantage garantie.

Continuer la lecture

« L’éolien et le solaire constituent le plus important levier d’action contre le dérèglement climatique »

Voici la Tribune que Le Monde a bien voulu mettre en ligne lundi 3 juillet. Le Chapô est bien entendu de la rédaction du Monde:  « ¨Pour l’économiste Cédric Philibert, il est possible d’atteindre l’objectif de « zéros émissions nettes » d’ici 2050 grâce à l’électrification par les renouvelables, sans attendre le nucléaire. »

La progression semblait inexorable : hormis 2020 pour cause de pandémie, les émissions mondiales de gaz à effet de serre augmentaient d’année en année, battant à chaque fois de nouveaux records. L’année 2023 devrait cependant marquer un premier point d’inflexion, selon le think tank Ember Climate : les émissions liées à la production d’électricité pourraient enfin reculer, grâce à la croissance très rapide de l’éolien et du solaire, qui produisent désormais respectivement 7,5 % et 4,5 % de l’électricité mondiale ; ils n’en produisaient ensemble que 6 % en 2015.

Continuer la lecture

La transition dans l’industrie, otage de la pénurie d’électricité

C’est très vite qu’il faudra augmenter la production d’énergie décarbonée à destination de nombreux process industriels. Hélas, la loi sur l’accélération de la production d’énergies renou­velables ne permet pas réellement de rattraper le retard français.

Je reproduis ici un article publié dans L’économie Politique  de février dernier. J’ai ajouté en italiques quelques remarques davantage d’actualité.

En l’espace d’un peu plus d’un an, les perspectives énergétiques de la France semblent avoir radicalement changé. Rembobinons le film. A l’automne 2021 paraît la première version de l’étude de Réseau de transport d’électricité (RTE), « Futurs énergétiques 2050 ». Elle consacre, explicite et détaille la stratégie nationale bas carbone (SNBC) révisée en 2018-2019, en application de la loi de transition énergétique de 2015. Rompant avec les projections antérieures d’une quasi-stagnation de la demande d’électricité, l’étude de RTE envisage un changement radical de trajectoire, une augmentation de 50 % à l’horizon 2050, car l’électricité doit remplacer une large part des combustibles et carburants fossiles… tout en prévoyant une baisse de 40 % de la demande d’énergie finale.

Continuer la lecture

Contre le dérèglement climatique, le soleil et le vent en tête

Près d’un mois après sa parution, il faut revenir sur le dernier rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), ce document qui synthétise les trois volets de la sixième évaluation du dérèglement climatique : les bases physiques, les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité, enfin les mesures d’atténuation, publiés quant à eux en août 2021, février et avril 2022. Moins pour en rendre compte à notre tour, que pour s’étonner de la façon dont la plupart des commentateurs en ont rendu compte.

Continuer la lecture

Le solaire et l’éolien offrent les plus grands potentiels à coût nul de réduction d’émissions

Je reproduis ci-dessous la Tribune que Le Monde du 31 mars dernier a bien voulu publier. 

Le président de la République a justifié par de « trop grands risques économiques et financiers » son choix d’imposer une réforme des retraites refusée par trois Français sur quatre. Plus que l’équilibre du système par répartition, ce sont sans doute le déficit du commerce extérieur et la dette publique qui sont dans son viseur, le premier contribuant à creuser la seconde.

De la réforme des retraites, on attend 10 milliards à 13 milliards d’euros d’économies annuelles, alors que le déficit commercial est passé de 65 milliards à 164 milliards d’euros entre 2020 et 2022. D’après le ministre du commerce extérieur, « plus de 80 % de l’aggravation du déficit s’expliquent par l’augmentation de la facture énergétique, passée de 45 milliards à 115 milliards entre 2020 et 2022 ». En cause, les prix du gaz, du pétrole et de l’électricité, sur fond de guerre en Ukraine.

Continuer la lecture

Les renouvelables à l’Assemblée

C’est la semaine de tous les espoirs, mais aussi de tous les dangers, pour les énergies renouvelables. L’Assemblée nationale examine en séance publique, du 5 au 9 décembre, le projet de loi d’accélération de leur développement. Un texte dicté par la double urgence des dérèglements climatiques et des risques de rupture d’approvisionnement énergétique dans les mois et années à venir. Mais l’Assemblée nationale, très divisée, saura-t-elle se hisser à la hauteur de l’enjeu ? Y aura-t-il une majorité pour voter ce texte – et si oui, sera-t-il en mesure d’atteindre son objectif ? Continuer la lecture

Le déploiement des énergies renouvelables est bien un intérêt public majeur

Voici la tribune que j’ai signé avec Alain Grandjean, économiste, Jean Jouzel, climatologue et Noël Mamère, écologiste, publié ce lundi matin 5 décembre sur le site de Libération.

L’Assemblée nationale examinera du 5 au 9 décembre en séance publique le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables, adopté par le Sénat en première lecture début novembre. Le projet vise à simplifier les procédures afin de réduire les délais de réalisation des parcs éoliens et solaires (notamment), à mobiliser des espaces dégradés ou délaissés, à planifier le développement de l’éolien maritime et à mieux partager la valeur ainsi créée avec les territoires.

Une disposition essentielle du texte affirme que les projets d’installations ou de stockage d’énergie renouvelable sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, s’ils satisfont des conditions qui seront définies par décret en Conseil d’Etat. Une disposition similaire est au cœur des projets européens de révision de la Directive renouvelable « Fit for 55 » et de l’amendement « REPowerEU ».

Continuer la lecture

La décrue des énergies fossiles s’amorce, mais reste trop lente.

La publication simultanée de deux rapports, l’un des Nations-Unies, l’autre de l’Agence internationale de l’énergie, apparemment contradictoires, apporte de nombreuses informations nouvelles sur l’état de la transition énergétique dans la foulée de la guerre en Ukraine et de la forte augmentation des prix des énergies fossiles et de l’électricité.

Attention, risques de dissonance cognitive, menaces d’entorses au cerveau. Antonio Guterres, patron des Nations-Unis, et Fatih Birol, patron de l’Agence internationale de l’énergie, viennent de faire des déclarations qui semblent totalement contradictoires. Guterres, présentant jeudi 27 le rapport Emissions Gap du programme des nations-unies pour l’environnement (PNUE), a affirmé que le monde se dirigeait vers « une catastrophe mondiale », un réchauffement global de 2,8°C, les engagements des pays étant « pitoyablement pas à la hauteur ». Présentant le même la publication annuelle phare de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le World Energy Outlook, Birol a lui plutôt souligné que le monde approchait d’un tournant historique vers un futur plus propre et plus sûr : dans tous les scénarios du WEO, la demande mondiale pour chacun des combustibles fossiles approche de son sommet (ci-dessus). La crise provoquée par l’invasion de l’Ukraine entraîne de profonds changements dans le monde de l’énergie, à commencer par celui de l’électricité (ci-dessoous), qui sont appelé à durer.

Continuer la lecture