En tout cas, faire comme s’il n’y avait pas de nouveaux réacteurs en 2035…

Le site de préparation des éoliennes offshore de Saint-Nazaire, en mai 2022

Ci-dessousl’interview que Nadia Gorbatko a réalisé pour Actu-Environnement à l’occasion du colloque national éolien organisé par la Fédération de l’énergie éolienne, publié le 13 octobre.

Cédric Philibert
Consultant indépendant sur l’énergie et le climat, chercheur associé du centre énergie et climat de l’Ifri

Actu-Environnement : Vous critiquez la stratégie du gouvernement en matière d’éolien. Ne vous semble-t-elle pas à la hauteur ?

Cédric Philibert : Dans ce domaine, les intentions du gouvernement ne sont pas claires. Certes, il met en chantier une loi d’accélération des renouvelables. Mais après avoir donné un sérieux coup de frein à l’éolien terrestre, en reculant à 2050 l’objectif fixé pour 2030. La vision pour l’énergie présentée par Emmanuel Macron, le 10 février, à Belfort, épouse en réalité le scénario le plus nucléaire de l’étude « Futurs énergétiques 2050 » de RTE (Réseau de transport d’électricité), qui inclut 14 EPR, des Small Modular Reactor (SMR) et la prolongation de 24 000 mégawatts des parcs nucléaires actuels jusqu’en 2050.

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Plus qu’une réforme des marchés, c’est une réforme des tarifs de l’électricité qui peut aider à faire face aux prix élevés

Je reproduis ci-dessous, avec mon aimable autorisation (et celle du Monde), la tribune que le quotidien du soir a publiée sur son site le 12 octobre.


TRIBUNE
Cédric Philibert

chercheur associé au Centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales (IFRI)

L’économiste de l’énergie Cédric Philibert préconise, dans une tribune au « Monde », une tarification progressive et en temps réel, qui conserverait les effets incitatifs que la suppression du marché unique européen éliminerait.

Que peut-on attendre d’une réforme des marchés de l’électricité ? Sur ces marchés de gros, européens, tous les mégawattheures consommés au même moment sont payés au prix requis par le producteur dont le coût marginal instantané est le plus élevé – en général, les centrales à gaz. Ce principe d’« ordre de mérite » a assuré, jusqu’ici, l’adéquation de l’offre et de la demande d’électricité.

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Taxation des superprofits: le précédent des renouvelables

Je republie ci-dessous la Tribune que j’ai donné à Libération le 7 septembre. Le même jour, Les Echos citaient cette déclaration d’un proche de Bruno Le Maire: « La contribution des énergéticiens, nous la pratiquons déjà en France et elle va rapporter 8 milliards pour les seules énergies renouvelables. » Se targuer de ce prélèvement sur les renouvelables pour mieux justifier son refus de taxer les superprofits gaziers et pétroliers, il fallait oser…

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Les efforts de la CRE ne suffiront pas

A la demande du gouvernement, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié le 30 août une version modifiée de l’ensemble des cahiers des charges des appels d’offres dit « CRE 4 » et « PPE 2 ». Cette mesure exceptionnelle facilitera la mise en service rapide de 6 GW éolien et solaire mis en difficulté par l’augmentation des coûts des matières premières et des crédits, intervenus depuis que les développeurs ont répondu aux appels d’offre. Essentiellement en repoussant l’entrée en vigueur des contrats de « complément de rémunération ».

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Les éoliennes, nouvelles cash machines de l’Etat

Vous le savez sans doute, les éoliennes ont longtemps été subventionnées. Que ce soit par « guichet ouvert » ou par « appels d’offres » compétitif, l’Etat, par le truchement d’EDF ou des entreprises locales de distribution ont garanti l’achat de tous les kilowattheures éoliens (et solaires) pour des durées de quinze ou vingt ans. A un tarif suffisant pour permettre une « rémunération raisonnable » des exploitants, compte tenu du risque de ces investissements.

En pratique, suivant une réforme européenne des aides d’Etat de 2014, c’est le mécanisme du « complément de rémunération » qui est en jeu. Les exploitants mettent d’abord leur électricité sur le marché, puis l’Etat complète jusqu’au tarif convenu par contrat – pour l’éolien terrestre, ce tarif était descendu sous les 6 centimes du kWh, puis il est légèrement remonté dans les derniers appels d’offre, du fait de la hausse des matières premières et du coût du crédit.

Note: la satisfaction de l’auteur sur cette éolienne du Pays de Retz, nettement visible sur la photo, n’a rien à voir avec la perspective d’économiser quelques milliards d’euros sur ses impôts, enfin c’est ce qu’il prétend.

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Emmanuel Macron, le Viktor Orban de la transition énergétique?

Madame Pannier-Runacher, nouvelle ministre de la Transition énergétique, ne veut pas accélérer l’éolien terrestre. Elle l’a dit la semaine dernière à l’AFP : « Nous devons continuer le déploiement au même rythme qu’aujourd’hui, c’est-à-dire à un rythme qui correspond manifestement à ce que la société française est prête à accepter ». Que faut-il en penser ?

La ministre s’inscrit dans la droite ligne du chef de l’Etat dans son discours de Belfort, le 10 février dernier. Tout en évoquant un développement « massif » des énergies renouvelables, annonçant une croissance du photovoltaïque (PV) à 100 GW et de l’éolien maritime à 40 GW, il avait annoncé le report à 2050 du doublement de la puissance éolienne terrestre actuelle, initialement fixé à l’horizon 2030. Soit 18,5 GW de plus en 28 ans – rythme inférieur encore au rythme actuel (1 GW en 2021).

Il notait pourtant, en même temps, que « les délais de procédure – cinq ans pour un parc solaire, 7 ans ou plus encore pour un parc éolien, ne sont pas supportables. Ils viennent réduire la rentabilité des projets et ils conduisent à multiplier les contestations partout sur le terrain. »  Et il ajoutait « la base de la lutte contre le changement climatique est donc la levée de toutes les barrières réglementaires à partir du moment où les projets sont acceptés localement. C’est donc ce que nous ferons. » Qu’est devenue cette ambition ? Quelques mois plus tard, ces « délais insupportables » caractérisent-ils « le rythme qui correspond manifestement à ce que la société française est prête à accepter » ?

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L’élection de Madame Le Pen serait un désastre pour le climat

« L’urgence est de rompre avec une écologie dévoyée par un terrorisme climatique qui met en danger la planète, l’indépendance nationale et plus encore, le niveau de vie des Français ». Un terrorisme climatique, pas moins, voilà ce qu’on peut lire dans le Projet pour la France de Marine Le Pen, cahier « M L’écologie ». Nous sommes habitués à d’âpres débats sur les renouvelables et le nucléaire au nom du climat, mais là nous entrons dans une autre dimension : la remise en cause de toute tentative de réduire nos gaz à effet de serre, avec de redoutables effets d’entrainement aux échelles européenne et mondiale.

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Les renouvelables, le dernier espoir du GIEC

Les deux premiers volets du sixième rapport d’évaluation du GIEC, parus en août dernier (The Physical Science Basis) et en février (Impacts, Adaptation and Vulnerability) furent les plus inquiétants jamais parus. Le troisième (Mitigation of Climate Change), publié le 4 avril, apporte une lueur d’espoir en plaçant les énergies renouvelables au cœur de toute stratégie de lutte contre les dérèglements climatiques. Quant au nucléaire, jamais le GIEC ne lui avait accordé un rôle aussi mineur.

Cinq minutes et douze secondes : c’est le temps qu’il a fallu à António Guterres, secrétaire général des Nations Unies, pour résumer d’une façon saisissante le troisième volet du sixième « rapport d’évaluation » du groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, le GIEC.

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Nucléaire: stop ou encore?

Nulle part ailleurs qu’en France, le débat sur le nucléaire n’est aussi clivant. On est pour ou on est contre, radicalement. De fait, l’éventail des choix est ouvert. Notre parc de 56 réacteurs vieillit, inexorablement, et ne pourra être prolongé indéfiniment. Après plusieurs accidents majeurs, les contraintes de sécurité ont été renforcés, et les coûts de la construction nucléaire s’envolent. A l’inverse, le coût des énergies renouvelables s’est effondré, et devrait continuer de baisser.

Pour qui veut s’informer, pour qui ne serait « ni pour ni contre, bien au contraire » mais entend comprendre les enjeux, les options sont peu nombreuses : passer des jours et des nuits à surfer sur les sites des uns et des autres et s’efforcer de démêler le vrai du faux ; lire les 855 pages du rapport de RTE « Futurs énergétiques 2050 », et se reporter en sus à quelques analyses critiques ; ou se procurer le livre d’Antoine de Ravignan, Nucléaire stop ou encore ? édité par Les Petits Matins.

En six chapitres, le journaliste d’Alternatives Economiques fait un tour complet du sujet, bourré de références et d’informations. La renaissance du nucléaire que d’aucuns croient voir ? Elle est introuvable, et si le GIEC et l’AIE lui voient jouer un rôle dans la réduction des gaz à effet de serre, ce rôle est sans commune mesure avec celui des énergies renouvelables, qui se développent bien plus rapidement, partout dans le monde, que le nucléaire.

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« Réduire les importations de pétrole russe est aussi efficace que décréter un embargo total sur le gaz, et infiniment plus facile pour les Européens »

L’expert de l’énergie Cédric Philibert plaide, dans une tribune au « Monde », pour l’arrêt de l’achat de pétrole russe, plus souple à mettre en œuvre que l’embargo sur le gaz.

Publié le 15 mars 2022 à 05h30   

Tribune. Les exportations de pétrole et de produits pétroliers ont représenté en 2019, c’est-à-dire bien avant l’envolée récente du prix des hydrocarbures, quasiment la moitié du total des exportations nettes de la Russie, en valeur. Le gaz naturel n’en représentait que 7 %, soit sept fois moins, à peine plus d’ailleurs que le charbon (5 %).

Les dirigeants européens semblent paralysés par notre dépendance au gaz russe comme des lapins aveuglés par les phares d’une voiture, incapables de faire un pas de côté. Bien sûr, il faut diminuer au plus vite notre dépendance au gaz russe, dans l’urgence, sans exclusive et par tous les moyens : sobriété, fournisseurs alternatifs, énergies alternatives.

Mais un embargo complet resterait compliqué pour nombre de pays européens, dépendants du gaz russe à 55 % (Allemagne) et plus pour l’Autriche, les pays Baltes, la Hongrie, la Finlande, la Pologne, la Slovaquie, la République tchèque et d’autres, même si des économistes allemands ont calculé un coût maximal de 3 % du produit intérieur brut pour leur pays (« What If ? The Economic Effects for Germany of a Stop of Energy Imports From Russia », ECONtribute Policy Brief n° 028).

Or, s’il s’agit avant tout d’arrêter de financer la sale guerre de Poutine en Ukraine, ce sont d’abord les importations de pétrole russe qu’il faut frapper. Les dockers de Stanlow, en Angleterre, l’ont bien compris et ont refusé de décharger le pétrole russe d’un navire battant pavillon allemand [le 5 mars], non concerné par l’interdiction faite aux navires russes. Réduire les importations de pétrole russe de 15 % est aussi efficace que décréter un embargo total sur le gaz russe, et infiniment plus facile pour les Européens.

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